@tassadanslesmyriades
Résumé :
"Le voyageur est une source continuelle de perplexités, écrit Nicolas Bouvier. Sa place est partout et nulle part. Il vit d'instants volés, de reflets, de menus présents, d'aubaines et de miettes". Voici donc le Japon selon Bouvier. Un archipel pétri par l'histoire et le spirituel qui est autant le pays des samouraïs que celui des humbles. Là où d'autres convoquent une bibliothèque entière pour se donner des airs de penseur zen, Bouvier saisit l'odeur de l'air, la couleur d'un visage, une conversation dans la rue pour nous livrer en une ligne le diamant d'une sensation.
Lu en octobre et novembre 2018 : C'est un chef d'oeuvre. Clairement. Je vous le dis... Ce livre est brillant. Je voulais y trouver la liberté d'un voyageur, les préoccupations d'un Occidental face aux Étrangetés du Monde, muni d'un étonnement constant, d'une curiosité sans faille, d'une empathie sans fin. Mais je ne voulais pas d'un énième Pierre Loti, soit un type qui idéalise le pays, l'occidentalise, lui prêtant des valeurs morales exagérées.
Nicolas Bouvier parvient à nous faire voyager autrement. Nous sommes dans les années 60-70. Nous partons avec lui pour un Japon vrai. Un Japon éloigné des clichés habituels : le Japon ça n'est pas que les estampes japonaises, ça n'est pas que la figure du Japonais résiliant, discret et travailleur, ou du forcené kamikaze. Ça n'est pas que la ville gigantesque et monstre. Nicolas Bouvier nous emmène dans les campagnes, dans des lieux inédits, dans des endroits reclus et peu fréquentés des touristes étrangers. Mais il est vite rattrapé par ces derniers. Il décrit avec humour, une animatrice de bus conditionnée aux touristes, une visite de temple complètement gâchée par une horde de touristes aux questions stupides. Il exprime d'une certaine façon, le bouleversement qui a eu lieu au Japon depuis la fin de la guerre : l'apport du tourisme a changé la volonté d'enfermement du pays.
Désormais, la tolérance à l'étranger s'est ouverte aux touristes. Nicolas Bouvier recontextualise tout. Vous trouverez un récit historique, mêlant anecdotes et faits. Et vous éviterez des visées coloniales.
A l'inverse, il donne à voir des Japonais émouvants, solitaires. Ceux de l'intimité, du foyer, ceux qui triment, qui ont des rêves, non réalisés. En fin de compte, un univers proche du nôtre et si loin de nos conceptions de l'existence à la fois.
Pour partir et comprendre le monde dans les années 60-70, pour voyager gratuitement sans quitter mon chez moi, pour ouvrir de grands yeux et avoir le sourire à chaque page.