L’autre moitié du ciel
Rien ne m’était impossible, rien ne me faisait peur si ce n’est la norme et ses censeurs.
Sorti il y a quelques semaines, L’autre moitié du ciel est la nouvelle publication de Mü Edition à qui on doit le superbe Moi, Peter Pan. Sara Doke, présidente du prix Julia Verlanger et traductrice avait obtenu en 2013, le Grand prix de l’imaginaire dans la catégorie « meilleur traduction » avec La fille Automate de Paolo Bacigalupi. L’autre moitié du ciel est son premier recueil de nouvelle et présente un monde basé sur le matriarcat.
Je souhaitais remercier Mü édition de m’avoir envoyé en version numérique L’autre moitié du ciel
Un recueil inégal
S’ouvrant sur une nouvelle introspective La femme miroir, celle-ci relate le rapport entre une femme et son propre corps en le personnifiant. Sans être marquante et un peu lourde, ouvrir le recueil par un monologue n’était pas le choix le plus judicieux de l’autrice et refroidit un peu mon enthousiasme de lectrice. Qu’à cela ne tienne, je poursuis ma lecture et une constatation rapide me vient à l’esprit : l’inégalité.
Certaines nouvelles comme Fata Morgana, La fille des Abjurées ou SNEAU à Desperate Marâtre mériteraient un format plus long proche de la novella et sont porteuses de thèmes et problématiques fortes. Où l’on jongle successivement entre la réécriture pulp d’un conte de fée, les dangers d’un matriarcat trop extrême ou encore à un cercle de femmes assassines relève véritablement l’ensemble de L’Autre moitié du ciel. Ne l’oublions pas, le thème centrale est bien le féminisme et la femme.
Malheureusement certaines nouvelles ne tiennent pas les promesses et on se demande alors ce qu’elles font là et font preuve d’un féminisme douteux. L’enfant sans nom par exemple et Camarade Petit Chat sont les deux propositions que j’ai le plus rejeté, ne les ayant même pas terminé. Je suis ressortie de ces lectures passablement agacée en me demandant où étaient le message et les valeurs de l’autrice.
Comme le dit si bien Yuyine que je rejoins totalement dans le propos, je regrette une vision biaisée du féminisme où les deux sexes ne peuvent être sur le même pied d’égalité où la violence est forcement une résultante. Bien que certaines nouvelles soient bonnes, voir très bonnes, aucune ne fait mention de cette possibilité et c’est dommage. Je garde de cette lecture, une impression en demi-teinte avec de très bonnes propositions et d’autres en marge du propos. L’autre moitié du ciel est un recueil intéressant, mais qui souffre d’un manque de dosage cohérent et d’une vision du féminisme plus subtil (en évitant de nous faire passer pour de folles dangereuses sanguinaires).
Imaginez seulement, Filles des hommes, Fille d’Eve, imaginez seulement un monde où le sexe d’une personne n’aurait jamais la moindre importance pour quoi que ce soit, pour qui que ce soit. Un monde où les enfants auraient tous exactement les mêmes choix, les mêmes possibilités dès le départ, sans considération de genre. Un monde sans sexuation. Une société qui n’est pas concentrée sur son sexe ; où les hommes et les femmes n’existent pas, où il n’y a que des êtres humains épanouis qui ont choisi leur vie à chaque instant sans qu’on leur dise ce qui est pour les filles, ce qui est pour les garçons. Tout est possible pour devenir humain.
Mü Edition
240 pages