Je débute le challenge Mai en nouvelles avec le premier recueil de l’Américain Maxim Loskutoff. Aussi bien le dire d’entrée de jeu, ma rencontre avec Maxim Loskutoff ne s’est pas bien passée!Ça a même vraiment mal commencé, avec «L’ours qui danse». Dans le Montana des années 1890, un trappeur solitaire commence à fantasmer sur une grosse ourse! De son frottage sur des peaux en pensant à l’ourse, en passant par le bordel où il fait patate parce que la femme n’est pas assez poilue à son goût et qu’il pense à l’ourse, jusqu’au final où il abat un petit ourson, je me disais: «Est-ce que j’ai envie de lire ça?», «Qu’est-ce que ça m’apporte?» Si cette nouvelle a pour but de montrer comment la folie peut grandir dans un homme, ça ne m’a pas convaincue. Et s’il n’est pas fou, ben il est déviant et/ou pervers et là, gros malaise. Et s’il n’est pas question de folie, ben je suis perdue. Même chose dans «Récolte», où un ancien soldat élève dans un bunker, sous une maison de ferme, la fille d’un camarade mort. À la puberté, ses motivations sont de moins en moins protectrices… Le désir s’empare de lui. Passons. Il y a là quelque chose de foncièrement malsain qui a tendance à me rebuter.
La dimension politique, omniprésente, n’est pas venue me chercher. La menace d’une guerre civile plane sur presque chaque nouvelle. La colère gronde. Certains hommes sont partis prendre les armes contre le gouvernement fédéral, laissant leur famille derrière eux. D’autres, par ennui plus que par convictions, songent à joindre les troupes. Dans la plupart des nouvelles, l’existence même des personnages est façonnée par la politique qui les entoure.
Puis, j’arrive sur
«Comment tuer un arbre», où une femme veut abattre l’énorme pin dans son jardin, lui imputant tous ses malheurs. Eh ben…Ce qui, à mon sens, cloche avec les nouvelles de ce recueil, est leur agencement, ou plutôt leur manque de liant.
Plusieurs nouvelles ont un goût d'inachevé, un manque de profondeur.Parmi les douze nouvelles du recueil, deux ont tout de même su sortir leur épingle du jeu pour retenir mon attention. Dans «Le temps de la fin», un jeune couple fait un long trajet en voiture pour emmener un coyote blessé chez le vétérinaire. La fille veut rester auprès de l’animal, invitant son copain à partir et… à la quitter.Dans «Mon Dieu, vous savez qu’on est tout les deux dans la même galère», une mère rend visite à sa fille placée en institution deux fois par semaine. Dans le silence d’une chambre capitonnée, l’angoisse monte. La cruauté de la gamine fait froid dans le dos…Les personnages de Maxim Loskutoff sont seuls, confrontés à eux-mêmes. Ils n’ont rien à perdre. Les relations humaines tiennent à un fil, toujours sur le point de s’effilocher. La jalousie rôde, la séparation est en cours ou en voie de l’être. La solitude enserre. L’omniprésence des animaux m’a laissé mitigée. Ourse, coyote ou serpent, le lien que les humains entretiennent avec eux surpasse l’attachement et a de quoi surprendre. L’écriture de Maxim Loskutoffest maîtrisée, sans faux pas. Mais ses mots et ce qu’ils évoquent m’ont laissé sur la voie de secours.Viens voir dans l’Ouest, Maxim Loskutoff, trad. Charles Recoursé, Albin Michel, «Terres d’Amérique», 256 pages, 2019.★★★★★Mr K a été beaucoup plus emballé que moi, Cleteaussi! Par contre, Mumu a bien quelques réserves.