J’ai découvert l’Australien Tim Winton avec son recueil Angelus. Ces nouvelles m’avaient fait une si forte impression que je me suis procurée rapidement son roman Par-dessus le bord du monde et un autre recueil de nouvelles, Scission, dont je me suis faite une joie de lire pour le challenge #maiennouvelles.Une lecture en montagnes russes qui montent, montent...
«Secrets», la première nouvelle du recueil, met la table. Une petite fille est laissée à elle-même depuis que sa mère et son nouveau petit ami vivent sous le même toit. Pendant que le couple batifole, la gamine explore les alentours. Elle se prend d’affection pour une poule rejetée des autres et passe de plus en plus de temps au fond d’un puits désaffecté, à regarder des photos, espérant en trouver une sur laquelle apparaîtrait son père. La fin, de par son imprévisibilité, m’a complètement désarçonnée.Ça partait fort! Et ça a continué de monter.J’ai enchaîné avec «Un coup, un baiser». Assis dans un pick-up, un ado et son père reviennent de la pêche au saumon. Devant eux, un motocycliste roule et… dérape. Père et fils s’arrêtent pour venir à son secours. Cette nuit sera un rite de passage pour l’adolescent. Gros coup de cœur.De mieux en mieux... Je suis au sommet!Sur une note un brin plus légère, «Aller de l’avant» présente une jeune veuve qui, depuis la mort de son mari, décide de penser par elle-même et d’aller de l’avant, au grand dam de ses deux garçons qui la pensent de plus en plus folle et remettent ses choix de vie en question. Délectable! On sent un petit mouvement de descente là, mais tout en douceur.Dans «La hache de mon père», un homme se souvient de son père à travers ses souvenirs liés à un simple objet: une hache. Toute la force du lien père/fils est démontrée par cet objet. Le résultat est extrêmement touchant, sans jamais sombrer dans un sentimentalisme verbeux.C’est à partir d’ici que ça s’est mis à descendre d’un coup… Quelques nouvelles au mieux intéressantes, mais sans plus. Et puis, ça s’est mis à remonter de façon vertigineuse, pour terminer en beauté. Avec «Scission», soixante petits fragments alternent entre le présent et les flash-back. Un tour de force narratif, une architecture complexe et admirablement bien tricotée. Fraîchement installés dans leur nouveau quartier, Rosemary et son mari écrivain avaient tout pour être heureux. Rosemary se lie d'amitié avec June, sa voisine. La graine dans l’engrenage vient d’un journal déposé dans la boîte aux lettres. À partir de là, la trajectoire de leur vie prend une toute autre direction.Contrairement à Angelus, il n’y a ici aucun lien entre les nouvelles, aucun personnage récurrent. Le seul fil qui les relie tient dans la scission, entre un avant et un après. Il faut le dire, avec Tim Winton, il y a toujours l’avant et l’après. Il y a toujours ce moment où l’équilibre que chacun tente de maintenir vole en éclats. Avec une grande économie de mots, Tim Winton parvient à créer des images fortes et vives, souvent saisissantes. C’est beau, vrai et terriblement émouvant.Scission, Tim Winton, trad. Nadine Gassie et Océane Bies, Rivages, 180 pages, 2014 [1985].★★★★★