Le loup (Jean-Marc Rochette – Editions Casterman)
Gaspard vit de manière complètement isolée au fin fond des montagnes, au coeur du majestueux Massif des Ecrins. Quand vient l’hiver, même la factrice ne monte plus jusque chez lui. Du coup, Gaspard est obligé de passer quatre mois coupé du monde, avec pour seule compagnie son fidèle chien Max. Mais cela ne le dérange pas du tout, car il n’est vraiment pas du genre bavard. Depuis la mort de son fils, qui était soldat au Mali, Gaspard a perdu goût à la vie en société. La seule chose qui intéresse encore le vieil homme, c’est de s’occuper de son troupeau de moutons. Alors, quand une louve et son petit font un véritable carnage en s’attaquant à son bétail, Gaspard n’hésite pas une seule seconde. Même si c’est une bête magnifique et même s’il est strictement interdit de tuer une louve dans le parc naturel, il prend son fusil et abat l’animal d’une seule cartouche. Il laisse, par contre, la vie sauve à son louveteau. En grandissant, celui-ci va chercher à se venger de l’homme qui a tué sa mère. C’est le début d’un affrontement terrible et d’une traque mutuelle entre le vieux montagnard et le jeune loup. « Je vais vous dire un truc: les loups et les bergers, ça va pas ensemble. C’est eux, ou nous », prévient Gaspard…
L’an dernier, Jean-Marc Rochette avait signé un retour particulièrement réussi dans la bande dessinée grâce à « Ailefroide », un récit autobiographique sur sa jeunesse compliquée et sur son rêve de devenir guide de haute montagne. Un livre dur et émouvant, dans lequel l’auteur du « Transperceneige » avait réussi l’exploit de mettre sur papier sa passion presque mystique pour l’alpinisme. Porté par le succès inattendu de cette BD, Rochette utilise une nouvelle fois à merveille le Massif des Ecrins, un décor qu’il connaît comme sa poche, pour mettre en scène l’affrontement épique entre un grand loup blanc et un berger. Cette fois, il n’est plus question d’autobiographie, même si Rochette prête ses propres traits au personnage de Gaspard. Il reconnaît également qu’il s’est inspiré du caractère de son grand-père pour donner vie à ce berger bourru et solitaire. S’appuyant sur des histoires réelles d’attaques de troupeaux de moutons par des loups, l’auteur tente, par la fiction, de raconter l’impossible cohabitation entre les bergers qui veulent protéger la vie de leurs bêtes et les gardiens du parc naturel qui tentent de sauver des espèces en voie d’extinction. Sans prendre parti pour les uns ou pour les autres, Jean-Marc Rochette montre surtout que la haute montagne ne sera jamais totalement domptée par l’homme et que celui-ci doit faire preuve d’humilité et de respect pour y trouver sa place. Paradoxalement, « Le loup » est un récit à la fois captivant et contemplatif: d’un côté, on est totalement happé par la lutte violente entre Gaspard et le loup et de l’autre côté, on prend le temps de profiter de la balade en montagne et d’admirer les paysages à couper le souffle. La plupart des planches du « Loup » sont effectivement d’une beauté absolue, grâce notamment au travail remarquable de la coloriste Isabelle Merlet. Un livre indispensable, qui fait d’ores et déjà partie des classiques de la bande dessinée montagnarde.