Chronique « ZAROFF »
Scénario de SYLVAIN RUNBERG, dessin et couleurs de FRANÇOIS MILVILLE-DESCHÊNES
Public conseillé : Ado/Adultes
Style : Thriller
Paru le 24 mai 2019 aux éditions Le Lombard, collection « Signé »
88 pages couleurs
16,45 euros
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Ca commence comme ça…
21 avril 1932, une île quelque part au large du Brésil. Deux hommes fuient dans la jungle, poursuivis par des molosses. Pendant qu’il courre, un des hommes est fauché par un piège. L’autre le laisse en pâture aux chiens et tente d’atteindre la plage, mais trébuche dans l’affolement. Quant il se relève, les chiens sont sages, retenus par un inconnu, un chasseur… qui l’abat froidement ! C’est Zaroff, aidé par ses serviteurs à qui il confie la tâche de s’occuper des cadavres.
6 juin 1932 New-york.Sanger Rainsford, un grand chasseur très médiatisé, fait une conférence de presse. Il explique qu’à l’occasion d’une expédition, il est tombé dans les griffes du général Zaroff et qu’il lui a échappé…
Ce que j’en pense
Sylvain Runberg et François Miville-deschênes, c’est un duo qui marche. Avec la très belle série historico-fantastique “Reconquête”, les auteurs avaient démontré leur habileté à nous embarquer dans une histoire complexe et épique et un univers original.
Loin des tribus perses, les voilà qui nous embarquent à la suite du Général Zaroff. Ce personnage de fiction, inventé par Richard Connell et adapté au cinéma en 1932, est un homme complexe. Cultivé, raffiné, c’est aussi un chasseur passionné, qui a décidé d’organiser sa vie autour de sa passion : la chasse à l’homme ! Vivant sur une île reculée, il laisse la vie aux naufragés (qu’il a lui même provoqué), s’ils réussissent à lui échapper avant le lever du soleil. Course-poursuite et instinct du chasseur lui donnent toujours raison…
Sur la demande de son dessinateur, Sylvain Runberg s‘est donc accaparé ce personnage en lui inventant une nouvelle “partie de chasse”. Il n’est pas question de le découvrir (l’exposition suffit), mais de le mettre dans une posture bien différente. Zaroff, qui a perdu l’envie de chasser devient (momentanément…) une proie. Sur sa nouvelle île, il voit débarquer la fille d’un chef mafieux qu’il a tué lors d’une chasse à l’homme. Décidée à venger son père, cette dernière a enlevé la soeur de Zaroff et ses enfants. Le général doit agir vite s’il ne veut pas qu’elle les exécute… Devant le danger, l’instinct reprend le dessus et Zaroff reprend la chasse !
Si le thème est assez classique (la proie qui devient chasseur), Sylvain Runberg réussit le tour de force de changer la donne. Il construit avec précision la complexité de ce personnage et de son antagoniste, la belle Fiona Flanagan. Dans les 2 camps d’ailleurs, le conflit règne. Zaroff est motivé par le plaisir de la chasse, tandis que sa soeur ne pense qu’à sauver ses enfants. Ce qui lui semble bien inutile. De même, dans le gang de Fionna, un certain Brian Maguire n’hésite pas à provoquer et déstabiliser pour prendre sa place…
Le conflit est interne, mais bien entendu externe. Guérilla et pièges, entre action et dangers de la nature, les événements et retournements de situation se succèdent jusqu’à un final épique.
Même dans un genre “convenu” et ultra codifié, Sylvain Runberg réussit à me surprendre et surtout à me faire passer un excellent moment de lecture.
Au dessin, son complice Miville-deschênes assure comme une bête ! Sa partition graphique est de toute beauté. Vivante et terriblement détaillée, la mise en place des personnages au sein des décors naturels m’a bluffé. Fortes, violentes et pesantes, les ambiances se succèdent avec une écriture très cinématographique. Le trait réaliste, fluide et expressif n’est jamais pris en défaut. Chapeau !