Jamey Bradbury
Traduit de l’américain par Jacques Mailhos
Gallmeister
2019
313 pages
Tracy, une héroïne atypique, singulière et tellement, tellement attachante. Une chasseuse. Elle connait la forêt comme sa poche, elle n’a peur de rien, ni du froid (mais en Alaska qui craint le froid ?), ni de la nuit, ni des animaux sauvages, ni de la solitude. Elle a en elle une force, une puissance, une sauvagerie inquiétante et en même temps fragile.
A dix-sept ans, presque dix-huit, elle passe plus de temps dehors dans la forêt que chez elle, au chaud près d’un poêle. Elle a une connaissance des chiens de traîneau presque innée. Elle a un sens aigu de l’observation. Mais un événement survenu un jour qu’elle traquait un écureuil, va faire basculer sa vie. Le doute, l’angoisse va la contraindre à davantage de méfiance, elle ne pourra plus lâcher prise jusqu’à l’inéluctable.
J’ai rarement lu une histoire aussi singulière. Il ne faut rien en dire, il ne faut rien connaître de Tracy, de sa mère, avant d’attraper ce livre, parce que l’auteure lève le voile sur leurs secrets, millimètre par millimètre. Et l’on s’étonne ! Ai-je bien compris ? On revient en arrière, on relit certains passages. Non, c’est bien ça. C’est bien ce qu’elle a fait. Et plus loin, l’auteure conforte nos intuitions, nos craintes, et tout ça, de manière naturelle, comme si c’était ordinaire. Ce qui pourrait sembler un peu gore, ne l’est pas sous sa plume.
Un roman d’initiation, oui, c’est indéniable, cette jeune fille se cherche, apprend d’elle, des autres, des animaux, se questionne. Flirtant avec le fantastique dit la quatrième de couverture, certes, un peu, et c’est d’ailleurs ce qui donne ce ton si particulier. Ce que vit ce personnage, ce qu’elle est, sa nature profonde, c’est justement son côté animal, sauvage. On s’éloigne un peu du réel, mais tout est tellement imbriqué l’un dans l’autre qu’on ne sait plus, qu’on ne sait pas.
Ce roman, je l’ai dégusté, je l’ai savouré, j’en ai bu la substantifique moelle. Il m’a profondément émue, touchée, chahutée, perturbée. J’ai lu trois fois les dernières pages, pour être sûre d’avoir bien tout compris et pour ne pas le quitter. J’ai tant couru avec les chiens dans la neige, j’ai tant chassé au côté de Tracy, tant posé de collets, tant regardé les ciels étoilés, tant aimé ce froid glacial… moi qui n’aime ni la chasse, ni les chiens, ni le froid… Ce roman m’a emmenée là où je ne serais jamais allée dans la réalité. Ma vie virtuelle est décidément bien foisonnante !
C’est Guillome qui m’a donné envie de lire ce livre.