PREMIÈRES LIGNES #65 : Frissons

PREMIÈRES LIGNES #65 : Frissons

Premières lignes est un rendez-vous initié par Ma lecturothèque. Le principe est simple, tous les dimanches, je vais vous citez les premières lignes d’un ouvrage.


Chapitre 1

Le Shiver débordait de vie.
Lucas Vallois s’appuya contre la barrière et surveilla le rez-de-chaussée de son club préféré, sa fierté faisant naître un sentiment de chaleur en lui. La foule se serrait dans les moindres recoins de l’espace disponible, se mouvant au rythme du son que jouait le DJ invité ce soir-là, tandis que six barmen confectionnaient des boissons uniques et servaient des bières avec finesse et rapidité. La lumière tamisée créait des endroits isolées idéals pour de petits moments en toute intimité.
Il sourit d’un air satisfait. Peut-être pas aussi intime que cela, puisqu’il pouvait apercevoir leur peaux nues de là où il se trouvait – non pas que ça le gênait. Mais il devait avouer être surpris, lui qui savait que la température était glaciale dans ces recoins.
Un tout autre monde existait au premier étage. Lucas se tourna et s’installa en face de son assistante, sur le sofa en cuir noir souple. Sa surface était froide au toucher grâce au courant d’air conditionné insufflé par les conduits d’aération. L’automne s’était installé à Cincinnati et sur la vallée fluviale environnante – pourtant même la fraîcheur crispante de la soirée ne pouvait ralentir la chaleur corporelle, qui semblait vouloir faire grimper le mercure du club au-delà des quarante degrés. Mais même sans cela, Lucas avait exigé que l’air de la boîte de nuit reste frais et vivifiant.
Comment pourrait-on attendre autre chose d’un endroit dont le nom signifiait « frisson » ?
Lucas se pencha en avant pour s’emparer d’un des verres. Il prit une gorgée d’eau en gardant les yeux rivés sur la petite blonde aux grands yeux bleus assise face à lui. Elle avait commencé à agrémenter ses tenues avec des manteaux plus chics lorsqu’ils avaient commencé à se voir plus régulièrement au Shiver. Bien qu’il soit connu que la chaleur grimpe dans les étages, la température de la mezzanine ne pouvait concurrencer celle induite par l’amas de corps entremêlés en bas. Les mains de Candace voletaient devant elle tandis qu’elle signait une liste de mise à jour quant aux contrats d’affaires, aux négociations, et autres tâches qu’il lui avait demandé d’exécuter. Il inclina la tête en réponse, se faisant une note mentale des choses qu’il aurait à lui donner à faire le lendemain.
Quand la musique changea, un vif éclair de contrariété le fit se renfrogner. Les doigts de Candace s’interrompirent immédiatement, mais Lucas secoua la tête pour lui indiquer que son énervement ne lui était pas adressé.
Mon Dieu, ce qu’il détestait la musique trance. C’était toujours la même putain de chose. Propet stérile, sans vie et numérique. QU’était-il arrivé aux bons vieux jours où la voix rauque de Trent Reznor et les hurlements de sa guitare faisaient vibrer les murs ? Nine Inch Nails, KMFDM, Thrill Kill Kult, Skinny Puppy, et Front 242 trouvaient écho dans la plupart de ses souvenirs les plus plaisants, mais c’était comme s’ils n’étaient plus à la page désormais. Bien sûr, à chaque fois qu’il en faisait part à l’un de ses amis, ceux-ci pouffaient de rire et le traitaient de vieux.

PREMIÈRES LIGNES #65 : Frissons