C’est la couverture de l’édition originale du roman de Cherie Dimaline qui m’a d’abord attirée. Je me trouvais avec Electra dans une librairie anglophone de Québec. Je lui ai pointé le livre, elle l’a acheté, lu, et en a parlé sur son blogue. Moi, je rongeais mon frein, dans l’attente d’une traduction. Lorsque Pilleurs de rêves est enfin paru en français, j’ai été déçu par la couverture. Comparativement à l’édition originale, la couverture de l’édition québécoise est d’une fadeur insignifiante. Disons que si je n’avais rien su de ce roman et de son auteure, j’aurais passé mon chemin. Et c’aurait été vraiment dommage…
Frenchie, un jeune adolescent métis, se retrouve seul. Il fuit la ville pour échapper aux recruteurs. Il survit dans la nature, jusqu’à ce qu’il se joigne à un groupe d’Autochtones de différentes nations,qui tentent de gagner le Nord et d’échapper à la traque dont ils font l’objet. Miig, qui a perdu son mari aux mains des recruteurs, est le leader du groupe. À ses côtés gravitent des hommes, des femmes et des enfants, dont Riri, la plus jeune, et Minerva, l’aînée. Soudés serrés, complémentaires, les membres du groupe continuent leur route, non sans risques et périls.
L’univers dystopique crée par Dimaline fait froid dans le dos. Cette dystopie montre avec une brillante habileté à quel point les peuples autochtones sont pris pour cible, dépossédés de leur territoire et de leur identité. Chaque personnage a subi une forme de traumatisme ou de perte. Chacun grandit, ayant à un moment ou à un autre un choix, un dilemme moral à faire.Plus que la présentation d’une réalité dystopique, Pilleurs de rêves révèle le pouvoir de résistance et de résilience des peuples autochtones. Pas besoin d’aller chercher loin pour apercevoir des parallèles avec le sort subi par les Autochtones: le racisme systémique, la dépossession territoriale, les horreurs perpétrées dans les pensionnats... Derrière ce sombre tableau, l’importance de la préservation des traditions, l’amour, l’espoir, la solidarité, la ténacité et la persévérance sont au cœur du roman.Quoique destiné à un lectorat de jeunes adultes, le roman de Cherie Dimaline devrait être lu par le plus grand nombre. Même si, comme Electra, tu es rébarbatif au genre de la dystopie, ça ne devrait pas t’arrêter. Si Electra a aimé – elle qui n’est pas friande de romans dystopiques –, c’est tout dire! Une mention spéciale pour la représentation positive d’un couple homosexuel. Une mention spéciale, aussi, pour la traduction de Madeleine Stratford, qui fait vivre les mots de Cherie Dimaline de façon audacieuse et dynamique. Un roman percutant et nécessaire.
Les pilleurs de rêves, Cherie Dimaline, trad. Madeleine Stratford, Boréal Inter, 344 pages, 2019.★★★★★