Les belles vies de Benoît Minville

Avec ce roman qui se dévore littéralement, Benoît Minville réussit à évoquer la vie d'adolescents blessés, ces gamins de la DDASS paumés, parfois délinquants mais jamais volontairement mauvais, sans écrire pour autant un roman triste.

Les belles vies de Benoît MinvilleDjib et Vasco sont deux jeunes, un peu borderline. L'un vit avec sa mère et sa sœur, son père ayant abandonné le foyer quelques années auparavant ; l'autre vit avec ses deux parents, des émigrés du Portugal, et son petit frère Hugo. Ils ne sont pas brisés par leur enfance, ils sont juste adolescents. Ils fument, boivent de temps en temps, se battent assez facilement, sèchent les cours de temps en temps. Mais cette ultime baston, à la fin de l'année scolaire, va changer le cours de leurs vies. Fatigués de devoir aller les chercher au commissariat, leurs trois parents décident de les envoyer dans la Nièvre, dans la maison de " Tata & Tonton ", famille d'accueil pour la DDASS.

Là-bas, les deux jeunes banlieusards seront confrontés à des réalités, des sentiments, des émotions qu'ils ne soupçonnaient pas : l'injustice évidemment, la colère, l'amitié, l'amour, la solidarité, le pardon. Ils en ressortent grandis, différents. Benoît Minville se garde pourtant bien de faire à ses lecteurs une quelconque leçon de vie.

Pour moi, qui travaille depuis 10 ans maintenant au contact d'adolescents, ce roman est un petit trésor de réalisme. Il permet aux adultes que nous sommes de relativiser le discours ambiant sur ces graines de voyous. J'ai beaucoup souri en les " entendant " parler, en lisant le cheminement de leurs pensées, parfois tordues, je veux bien l'admettre ; j'ai été très émue par ces jeunes adultes en devenir qui doivent composer avec le vol de leur enfance, avec leur manque d'assurance, avec des tas d'erreurs pour lesquelles ils paient, alors que ce ne sont pas les leurs. Chaque personnage est attachant et on a à cœur de les voir s'en sortir, pas sur le long terme, nous ne sommes pas dans un conte de fées, mais au quotidien, face aux problèmes qu'ils peuvent régler, des problèmes qui semblent secondaires aux adultes occupés que nous sommes, mais qui constituent le peu d'éléments sur lesquels ces gamins ont une vraie emprise.

Ce roman m'a charmée sur bien des aspects et pourtant, ce qu'il ne dépeint n'est pas rose : il y a évidemment des enfants battus, des enfants abandonnés, des orphelins, mais en fait, quelle que soit leur histoire, ils sont avant tout des enfants. Les adultes de cette histoire sont eux aussi très touchants : Tonton & Tata évidemment qui sont des modèles de compréhension et d'amour (un amour qui se donne inconditionnellement et immédiatement, à tout le monde), mais aussi les mamans de Djib et Vasco, qui se battent pour que leurs fils aient le meilleur, même quand il faut se battre contre leur cœur de maman...

Je trouve que le texte, l'histoire, le style de Benoît Minville rendent un bel hommage à tous les adolescents et rappellent le rôle des adultes dans leur construction. Nous tous, parents, enseignants, encadrants, adultes en général, sommes en charge de la jeunesse, de notre relève, et c'est une vraie belle mission, j'en suis convaincue ! Merci donc à Benoît Minville de le dire de si belle manière et merci aux éditions J'ai lu pour cette touchante découverte !

Priscilla (@Priss0904, @litterapriscilla, Page Facebook)