«Terres d’Amérique» a une fois de plus déniché une grande raconteuse d’histoires. La Géorgiedes années 30 - ses paysages, son histoire et son état d’esprit - est le centre de gravité du deuxième roman d’Eleanor Henderson Les romans ancrés dans le Sud rural à l’époque de la Grande Dépression sont légion. Difficile de tirer son épingle du jeu. Eleanor Henderson l’a bien compris. L’architecture de son roman est audacieuse et le noyau de l’intrigue plutôt original.
Il a fallu peu de temps pour que les mots d’Eleanor me harponnent. Il faut dire que le premier chapitre frappe fort. Le lynchage d’un innocent et la barbarie d’une foule déchaînée donne une idée de la terreur et de la violence qui régnaient à cette époque pas si lointaine.
Le milieu social est criant de vérité: injustices sociales, lynchage, pauvreté, fractures raciales, prohibition. La violence, qu’elle soit verbale ou physique, est omniprésente. Les mots d’Eleanor Henderson résonnent. J’ai eu l’impression d’entendre ses personnages respirer, j’ai senti la chaleur étouffante des lieux, j’ai lu la peur et la colère sur les visages.L’architecture du roman lui donne son cachet. L'intrigue secoue le temps, enjambe les époques. Il faut bien s
’accrocher pour ne pas perdre le fil... Eleanor Henderson utilise une dynamique familiale complexe pour illustrer une époque sombre. De multiples révélations viennent donner un coup de fouet à l’intrigue. Impassible observatrice, elle peint ses personnages avec une puissance et une vérité saisissantes, particulièrement les femmes. Jamais elle ne tire de conclusion, ce qui rend sa peinture d’autant plus bouleversante. Cotton County vaut son pesant d’or, malgré quelques longueurs (souvent inhérentes aux romans de plus de 500 pages). L’intrigue aurait pu être resserrée un brin, passer en accéléré sur l’histoire de certains personnages secondaires. Reste que entre ça et rien, je préfère ça. Reste aussi que ce roman m’a fait veiller tard, ce qui est toujours bon signe!Cotton County,Eleanor Henderson, trad. Amélie Juste-Thomas, Albin Michel, «Terres d’Amérique», 656 pages, 2019.
★★★★★