Le Jardin des étoiles mortes de Laure Margerand

Aujourd'hui je vais vous parler du " Coup de cœur de l'éditeur " chez J'ai lu. Un coup de cœur que je comprends pour de nombreuses raisons : l'originalité de l'histoire d'abord, les choix narratifs ensuite, la tonalité faussement légère qui rend ce récit très plaisant malgré la gravité du sujet abordé.

Le Jardin des étoiles mortes de Laure MargerandL'intrigue d'abord. Alors qu'il vient d'être largué sans raison, Bertrand sombre dans un état de dépression avancé : il perd son emploi, mange mal et passe son temps à traquer son ex sur Internet. De cette attitude franchement pathétique découle sa prise de conscience : on ne devrait pas pouvoir ainsi fouiller dans la vie de ceux qui ont décidé de nous quitter, ou même qui sont morts. Après avoir rencontré un informaticien, hacker à ses heures, il décide de créer Obseq-Net, un service auquel il faut s'abonner afin qu'il gère l'effacement de nos données virtuelles au moment de notre mort.

Parallèlement, le lecteur fait la rencontre d'Inès, une jeune femme moderne, pleine de talent et entièrement focalisée sur sa carrière jusqu'à ce qu'elle rencontre Edgar-Lucas, un homme fascinant dont elle tombe éperdument amoureuse.

Seulement voilà, un jour, Bertrand reçoit le certificat de décès d'Inès. Comme à son habitude, il se met à fouiller sa vie virtuelle, mais cette fois, il tombe complètement sous le charme de la jeune femme partie bien trop tôt. Commence alors une enquête au départ un peu malsaine, pendant laquelle Bertrand vit par procuration une relation amoureuse avec la jeune femme ; mais cette enquête s'avèrera peu à peu concluante et nécessaire.

Les choix narratifs confèrent une grande originalité au récit. En effet, on alterne dans un premier temps entre les histoires de Bertrand et d'Inès mais dans un second temps, l'espace entre le temps du flashback et le temps de la narration se réduit. L'attitude de Bertrand pose question à de nombreux personnages de son entourage, mais elle interroge également le lecteur : il fait, avec Inès, ce que l'on peut craindre de tous les gens mal intentionnées qui traînent sur Internet (espionnage, téléchargement des photos, traçage des achats et des échanges). D'ailleurs, même si je ne peux pas vous raconter la fin, mais je ne suis pas certaine qu'après un Edgar-Lucas, ce soit rassurant de tomber sur un Bertrand qui raconte une histoire comme celle-là.

Malgré ce petit aspect moralement discutable, ce roman se dévore en quelques heures, tellement on veut comprendre. L'histoire d'Inès, d'abord très légère, prend vite une sombre tournure et comme Bertrand, on se prend à vouloir comprendre ce qui a bien pu lui arriver. L'amour fou, exclusif, qu'elle partage avec son petit ami devient vite dangereux. Les pervers narcissiques sont des êtres tellement effrayants... J'ai été assez fascinée par la manière dont le piège se referme sur Inès. L'auteure ne passe rien sous silence et il faut vraiment avoir déjà connu le phénomène pour sentir les rouages malsains dissimulés derrière les week-ends en amoureux déconnectés, les crises de jalousie inexpliquées et les cadeaux incessants.

On s'attache donc très facilement à cette jeune femme qui a tout pour être heureuse (une maman aimante, une meilleure amie au top, des talents insoupçonnés, des goûts musicaux qui font sourire) et qui rayonne. Sa vie, ponctuée de coups de téléphone, de déplacement professionnels, de box découvertes et de saunas avec sa copine, permet au roman de garder une légèreté que le thème aurait pu lui retirer. Et on le préfère largement avec !

C'est un roman aussi dérangeant et glaçant que plaisant et original. Un cocktail détonant qui, en ce qui me concerne, a bien fonctionné. Vous laisserez-vous tenter ?