Bouleversée... C'est ainsi que je suis sortie de la lecture de ce roman fort, vrai et émouvant. Savoir que l'histoire est inspirée de faits réels n'a que peu de choses à voir avec les émotions que l'on peut ressentir à la lecture de l'histoire d'Emilie, Eric et Lucie.
Âgée de dix-huit ans, Emilie tombe amoureuse d'Eric, GO du Club Med où elle est en vacances. Alors que tout condamne leur relation, l'histoire dure et rend heureux les deux amoureux, jusqu'à ce qu'Emilie tombe enceinte et que le couple choisisse de garder et d'élever leur petite Alice. C'est après la naissance que tout se complique. Des traces de sévices apparaissent sur le corps du bébé : Emilie l'amène à l'hôpital et après la compassion, les regards changent. Tout porte à croire qu'Alice est battue et comme elle n'est qu'avec sa mère, la suspecte est toute trouvée.
La narration m'a tenue en haleine dès les premières pages et jusqu'à la fin. L'auteure alterne le récit de l'histoire d'amour et de famille d'Eric et Emilie avec les procès-verbaux des interrogatoires d'Emilie, de son père, des psychiatres, puis avec les souvenirs d'Emilie, d'une manière fine et bien orchestrée...
Le lecteur est très rapidement invité à se poser les mêmes questions que les équipes médicales et policières. Bien qu'on suive de près Emilie et qu'on ne comprenne pas comment c'est possible, on est forcés de se poser des questions. Je me suis sentie aussi perdue que l'héroïne, ne voulant pas la croire coupable mais pouvant difficilement faire autrement, sans comprendre, vraiment... Je n'ai pas réussi à lâcher le roman avant de comprendre, c'était obsessionnel.
Et c'est là que ce livre est le plus fort, c'est sur ce point qu'il m'a le plus chamboulée. Cette jeune femme de vingt ans a tout contre elle : trop jeune pour être une maman " convenable " selon les codes sociaux, Emilie est toujours la seule personne à être avec sa fille avant que les traces n'apparaissent ; en outre, son enfance pourrait expliquer des troubles de la personnalité et de la mémoire. Alors que tout le monde la suspecte, sauf quelques-uns de ses proches, on découvre une jeune femme brisée qui perd ses repères, ses certitudes et qui, par amour inconditionnel pour sa fille, est prête à accepter qu'on la lui enlève, si c'est pour la sécurité de son petit ange. Quelle horreur de découvrir en même temps qu'Emilie, l'apparition de nouvelles traces sur ce petit corps frêle et tant aimé ; quelle colère j'ai ressentie contre ces individus convaincus de sa culpabilité avant même de lire son dossier ; quelle compassion j'ai éprouvée pour cette maman aimante, tellement aimante qu'elle perd tout goût pour la vie quand elle sent que sa fille ne la reconnaît plus.
Je crois que j'ai été vraiment émue par la détresse des parents, par cet amour de mère qui fait que, bien que l'on soit persuadée de n'avoir jamais battu notre enfant, l'on finisse par espérer qu'il ne lui arrive plus rien, quelles qu'en soient les conséquences. L'engrenage est tel qu'Emilie finit par douter d'elle-même, par croire que peut-être elle ne se souvient pas de tout. Je n'arrive pas vraiment à mettre les mots sur tout cela. Le plus passionnant n'est pas tant l'enquête menée par la Justice, mais celle qu'Emilie mène au plus profond d'elle-même, dans son âme de femme, de petite fille blessée, de jeune maman maltraitée par tout un système qui la dit maltraitante.
Vous l'aurez compris, je vous conseille chaleureusement cette lecture très forte humainement, dure mais belle psychologiquement, parue aux Editions de l'Archipel.