Deux livres sur la révolution francaise : Marie-Antoinette (Stefan Zweig) et l’Embaumeur (Isabelle Duquesnoy)

Par Laure Zehnacker

Il y a des livres qui sont durs à lâcher, un peu comme cet enfant qui hurle pour ne pas quitter sa mère. Il y a ces livres qui vous empêche de respirer. Vous êtes saisis par le manque, l’envie de lire quelques lignes pour sentir les odeurs qui se dégagent des descriptions. Une nouvelle manière de tomber amoureux. Aujourd’hui, parlons de livres sur la Révolution française à lire absolument.

Il y a des livres dont on doit faire le deuil une fois refermés. Aujourd’hui, deux de ces bouquins traitent de la même époque, ont la même issue tragique, mais sont contés d’un point de vue différent. L’un nous entraine parmi le peuple et sa vermine, et l’autre dans les jardins du petit Trianon au moment du règne de Louis XVI.

L’embaumeur d’Isabelle Duquesnoy et Marie-Antoinette de Stefan Zweig dont je vous narre les aventures aujourd’hui.

L’Embaumeur d’Isabelle Duquesnoy

Il y a du Céline d’une autre époque, de celle de la Révolution. Un jeune homme, Victor Renard débute sa confession en prison, même si à cette étape de l’histoire, nous ne savons rien du crime. Après maintes péripéties, il devient embaumeur par hasard. Nous sommes à Paris juste avant la Révolution et nous sentons les odeurs criades de la Seine, les rues étroites de la capitale et nous sommes transportés (oui transportés) dans cette époque, dans cette ville et dans cette Révolution française qui se prépare en parallèle, évènement presque protocolaire dans l’histoire qui ne semble pas tout de suite frapper la population trop occupée à manger, boire, sortir, travailler, et mourir.

La mère de Victor est une figure pittoresque que l’on retrouve dans le personnage du père de Céline dans Mort à Crédit. Vulgaire, grossière, pingre, cette mère donne un charme au bouquin, tout comme les descriptions très honnêtes des perruques qu’on portait et qui ne sont plus à la mode, qui sentent la poussière et les mites. Il y a aussi cette histoire d’amour dont on pense qu’elle ne devait rester qu’un mythe. Bref, il me manque les mots pour vous parler de cette oeuvre grandiose qui emprunte beaucoup au « parfum » de Süßkind. Ce bouquin nous amène dans le quotidien des gens d’un temps qu’on pense foissonant qui n’est dans le fond qu’un évènement (presque) sans importance de la vie des Parisiens. On découvre alors un peuple un peu gras, qui cause avec vulgarité, qui se présente pour assister à la décapitation du Roi et de la Reine sans que cela ne lui fasse ni chaud, ni froid, retournant ensuite à son commerce habituel.

Résumé de l’Odieuse confession de Victor Renard

 » Pute borgnesse ! « 
Victor Renard n’eut jamais de chance avec les femmes. À commencer par sa mère, l’épouvantable Pâqueline, qui lui reprochait d’être venu au monde en étranglant son frère jumeau de son cordon ombilical. Puis ce fut Angélique, la prostituée, qui se moquait des déclarations enflammées de Victor et de sa difformité, comme de sa  » demi-molle « .
Victor échappe pourtant à sa condition misérable : il devient embaumeur. Avec les cadavres, au moins, le voilà reconnu. Et en ces temps troublés, quelle meilleure situation ? Les morts, après la Révolution, ne manquent pas dans Paris…
Mais le sort le rattrape et l’épingle, comme le papillon sur l’étaloir. Face à ses juges et à la menace de la guillotine, Victor révèle tout : ses penchants amoureux, les pratiques millénaires de la médecine des morts, le commerce des organes et les secrets de sa fortune.
Où l’on découvrira que certains tableaux de nos musées sont peints avec le sang des rois de France…

Auteur d’ouvrages historiques, Isabelle Duquesnoy a consacré dix ans de sa vie à ce roman, sans se soucier de savoir s’il serait publié. Elle a fait de cette obsession son chef-d’oeuvre.

Marie-Antoinette, Stefan Zweig

Il est vrai que ce livre prenait la poussière dans ma bibliothèque, achetée par hasard dans une brocante, j’avais choisi Zweig parce qu’il faisait parti de cette littérature classique que je m’étais jurée de lire un jour. J’avais commencé le livre et puis, je l’avais refermé. Pas l’envie des longues phrases graciles qui rendent la lecture compliquée. Mais faut dire que je n’avais plus rien à feuilleter donc je m’y suis mise. Et là, bamm badaboum, je n’ai pas pu le lâcher. Il fallait que j’aille m’enfermer aux toilettes pendant la nuit pour pouvoir continuer à découvrir la personnalité de Marie-Antoinette. Parce qu’il s’agit bien de ca, d’une biographie contée comme un polar par le grand Stefan qui observe avec précision la psychologie des personnages.

Stefan Zweig met en lumière le caractère de chacun des protagonistes, eux qui n’étaient qu’un nom inscrit sur les cahiers d’histoires, sans visage : Louis XVI, Danton, Axel, Goethe et même en special guest Star : Napoleon… bref, on a soudain l’impression de se retrouver dans les couloirs du chateau de Versailles à passer au peigne fin le contexte et il est vrai qu’on prend un malain plaisir à attendre le moment où cette reine (insupportable ou du moins peu agile en politique) se retrouvera sous la guillotine.

On passe avec ce livre derrière les grilles dorées de Versailles et on découvre pourquoi la Révolution a eu lieu, comment elle a été permise par un souverain faible et une reine superficielle.

Stefan Zweig est un génie des biographies, et là où il m’a décu par ses romans, il m’a conquise par ses biographies (désolé pour la répétition de Biographie, mais j’ai pas trouvé mieux).

Conclusion

J’ai lu ces deux livres l’un après l’autre et depuis, ils me hantent. Je n’ai pas pu reprendre un autre livre, recommencer une autre histoire, mes émotions étant… bien entamées par un amour déjà fini. En vérité, je conseille ces deux bouquins du fin fond du coeur. Conseil d’ami.

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