Ras-le-bol d’entendre parler de la rentrée littéraire? Dans ce cas, j’ai bien peur qu’il te faille passer ton chemin! Je suis certes friande de nouveautés littéraires, mais pas que, tu le sais. Je suis surtout enthousiaste à l’idée de retrouver des auteurs que j’adore. Cette rentrée sera donc principalement le temps des retrouvailles. Mais encore là, pas que. Car il y a aussi des traductions que j’attends avec impatience et puis, oui, il y a bien aussi quelques curiosités.
Je laisse les quatrièmes de couverture faire leur boulot.
STARLIGHT – RICHARD WAGAMESE – ZOÉQuand Franklin Starlight ne s’occupe pas de sa ferme, il part photographier la vie sauvage au cœur de l’Ouest canadien. Mais cette existence rude et solitaire change lorsqu’il recueille sous son toit Emmy et sa fillette Winnie, prêtes à tout pour rompre avec une existence sinistrée. Starlight emmène bientôt les deux fugitives dans la nature, leur apprend à la parcourir, à la ressentir, à y vivre. Au fil de cette initiation, les plaies vont se refermer, la douleur va laisser place à l’apaisement et à la confiance. Mais c’est sans compter Cadotte, l’ex-compagnon alcoolique d’Emmy, résolu à la traquer jusqu’aux confins de la Colombie-Britannique. Dans ce roman solaire et inspiré, on retrouve Frank, le héros désormais adulte des Étoiles s’éteignent à l’aube.LA CRÊTE DES DAMNÉS – JOE MENO – AGULLOLa Crête des damnés, c’est l’histoire d’un ado des quartiers sud de Chicago qui découvre le punk dans les années 1990. À travers les exploits et ruminations de Brian, ex-loser qui se rêve en star du rock, et de sa meilleure amie Gretchen, fan de punk et de bagarres aux poings, Meno décrit avec une grande justesse de ton les premiers émois amoureux, la recherche d’une identité entre désir d’appartenance et de singularité, les situations familiales complexes... et brosse au passage le tableau de ces quartiers et leurs démons: racisme, conformisme catholique, oppression de classe. L’âme du livre, c’est le punk, et comment la découverte de son message politique et social va bouleverser la vie de cet adolescent. Bourré de références à des groupes de punk et de rock, de cassettes compiles et de conseils pour se teindre les cheveux en rose, le livre est punk jusqu'à l’os, jusqu’à la langue: rebelle à l’autorité, brut et furieux. Comme J. D. Salinger avant lui, Joe Meno réussit le tour de force de faire sonner les mots et les tourments de cette génération dans une langue rythmique et crue, et son Brian Oswald est régulièrement qualifié de «Holden Caulfield moderne». C’est une autre facette du Midwest qu’explore l’auteur dans ce roman, qui fait la part belle à l’énergie de la musique et à l’humour ironique de l’adolescence.
LE CIEL PAR-DESSUS LE TOIT – NATHACHA APPANAH – GALLIMARDLoup est un adolescent lunaire, emprisonné pour avoir provoqué un accident de voiture en tentant de rejoindre sa soeur Paloma. Leur mère Phénix, la femme tatouée, magnifique et froide, renoue alors avec cette fille transparente qu’elle n’a pas su aimer. Tandis qu’elles tentent de sortir Loup de prison, des souvenirs douloureux de l’enfance volée de Phénix affluent: la trajectoire d’une mini Lolita livrée par ses parents à la convoitise des adultes dévoile la violence sournoise nichée au coeur d’un quartier pavillonnaire, les faux-semblants des tragédies ordinaires. Après avoir arraché à coup de dents sa place au monde, Phénix devra apprendre à apprivoiser la colère, la solitude, la culpabilité. Comme dans le poème de Verlaine auquel le titre fait référence, ce roman griffé d’éclats de noirceur nous transporte par la grâce d’une écriture envoûtante vers une lumière tombée d’un ciel si bleu, si calme, vers cette éternelle douceur qui lie une famille au-delà des drames.SOUS LES EAUX NOIRES – LORI ROY – DU MASQUELorsque, à la fin du lycée, Lane Fielding a fui Waddell, sa ville natale au fin fond de la Floride, pour l’anonymat de New York, elle s’est juré de ne jamais y revenir. Pourtant, vingt ans plus tard, fraîchement divorcée et mère de deux filles, elle se retrouve contrainte de retourner vivre chez ses parents, sur la plantation historique de la famille. Un lieu hanté par le passé et les crimes sinistres de son père, ancien directeur d’une maison de correction. La disparition de sa fille aînée vient confirmer la malédiction qui pèse sur cette ville. D’autant que dix jours plus tard, une étudiante se volatilise à son tour. Lane, désespérée, entreprend alors de faire tomber les masques autour d’elle pour découvrir si quelqu’un n’a pas enlevé sa fille afin de se venger des crimes de son père.
Sous les eaux noires questionne la solidité des liens familiaux et le danger des sombres rumeurs qui peuvent courir dans une petite ville de province… tout en montrant qu’il n’y a parfois pas de pire endroit que le foyer parental.
ARCHIVES DES ENFANTS PERDUS – VALERIA LUISELLI – DE L’OLIVIERC’est l’histoire d’une famille. Un père, une mère, deux enfants nés d’unions précédentes. Le père et la mère sont écrivains. Ils se sont rencontrés lors d’un projet où ils enregistraient les sons de New York, de toutes les langues parlées dans cette ville. C’est l’histoire d’un voyage: la famille prend la route, direction le sud des États-Unis. Le père entreprend un travail sur les Apaches et veut se rendre sur place. La mère, elle, veut voir de ses yeux la réalité de ce qu’on appelle à tort la «crise migratoire» touchant les enfants sud-américains. À l’intérieur de la voiture, le bruit du monde leur parvient via la radio. Dans le coffre, des cartons, des livres. C’est l’histoire d’un pays, d’un continent. De ces «enfants perdus» voyageant sur les toits des trains, des numéros de téléphone brodés sur leurs vêtements. Des paysages traversés et des territoires marqués par la chronologie, les guerres, les conquêtes. C’est l’histoire, enfin, d’une tentative: comment garder la trace des fantômes qui ont traversé le monde? Comment documenter la vie, que peut-on retenir d’une existence ? Et enfin: comment parler de notre présent?
Avec Archives des enfants perdus, Valeria Luiselli écrit le grand roman du présent américain. Mélangeant les voix de ses personnages, l’image et les jeux romanesques, elle nous livre un texte où le propos politique s’entremêle au lyrisme.
ENFIN TRADUITSICI N’ESTPLUS ICI – TOMMY ORANGE – ALBIN MICHEL / «TERRES D’AMÉRIQUE»À Oakland, dans la baie de San Francisco, les Indiens ne vivent pas sur une réserve mais dans un univers façonné par la rue et par la pauvreté, où chacun porte les traces d’une histoire douloureuse. Pourtant, tous les membres de cette communauté disparate tiennent à célébrer la beauté d’une culture que l’Amérique a bien failli engloutir. À l’occasion d’un grand pow-wow, douze personnages, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, vont voir leurs destins se lier. Ensemble, ils vont faire l’expérience de la violence et de la destruction, comme leurs ancêtres tant de fois avant eux. Débordant de rage et de poésie, ce premier roman impose une nouvelle voix saisissante, véritable révélation littéraire aux États-Unis.ORDINARY PEOPLE – DIANA EVANS – ÉDITION GLOBETroisième roman de Diana Evans, Ordinary People décrit, à travers deux couples quarantenaires les failles et les errances d’hommes et de femmes issus d’une classe moyenne auxquels le pouvoir d’achat en baisse offre peu de perspectives. L’auteure anglaise plonge le lecteur dans la vie intime et domestique de deux cocons familiaux au bord de la rupture, celui de Michael et Melissa, rencontrés il y a plus de dix ans, parents de deux enfants, et de Damian et Stéphanie, mariés depuis bientôt quinze ans, trois enfants. Que devient le couple face aux ambitions personnelles et professionnelles déçues? Aux longs trajets pendulaires? À l’argent qui manque toujours un peu? Diana Evans se fait l’observatrice de la vie conjugale confrontée au capitalisme et à la crise, et décrit minutieusement la fragile architecture amoureuse.
IL RESTE BIEN UN PEU DE PLACE POUR LES DÉCOUVERTESLE BAISER DE NANABUSH – DREW HAYDEN TAYLOR – PRISE DE PAROLERien ne se produit jamais dans la communauté anishinabe de Lac-aux-Loutres. Enfin, jusqu’à l’arrivée d’un séduisant étranger porté par une rutilante moto Indian Chief 1953. Les intentions du bellâtre sont d’autant plus mystérieuses que celui-ci semble n’avoir rien en commun avec la communauté, qu’il connaît pourtant sous toutes ses coutures. Si Maggie, la cheffe de la réserve, tombe instantanément sous son charme, Virgile, son fils adolescent, est moins enthousiaste. Aidé par son oncle Wayne, maître d’une forme inédite d’art martial autochtone, ce dernier tentera d’éloigner l’étranger de Lac-aux-Loutres – et de sa mère. Et on dirait que les ratons laveurs voudraient en faire autant.Drôle, profonde, lumineuse et remplie d’espoir, Le baiser de Nanabush est servi par le talent de conteur et l’humour qui ont fait la renommée de Taylor au Canada anglais.
LA CHALEUR – VICTOR JESTIN – FLAMMARIONCe roman est l’histoire d’un adolescent étranger au monde qui l’entoure, un adolescent qui ne sait pas jouer le jeu, celui de la séduction, de la fête, des vacances, et qui s’oppose, passivement mais de toutes ses forces, à cette injonction au bonheur que déversent les haut-parleurs du camping.
«Oscar est mort parce que je l’ai regardé mourir, sans bouger. Il est mort étranglé par les cordes d’une balançoire. » Ainsi commence ce court et intense roman qui nous raconte la dernière journée que passe Léonard, 17 ans, dans un camping des Landes écrasé de soleil. Cet acte irréparable, il ne se l’explique pas lui-même. Rester immobile, est-ce pareil que tuer? Dans la panique, il enterre le corps sur la plage. Et c’est le lendemain, alors qu’il s’attend chaque instant à être découvert, qu’il rencontre une fille.MON ANNÉE DE REPOS ET DE DÉTENTE – OTTESSA MOSHFEGH – FAYARDJeune, belle, riche, fraîchement diplômée de l’université de Columbia, l’héroïne du nouveau roman d’Ottessa Moshfegh décide de tout plaquer pour entamer une longue hibernation en s’assommant de somnifères. Tandis que l’on passe de l’hilarité au rire jaune en découvrant les tribulations de cette Oblomov de la génération Y qui somnole d’un bout à l’autre du récit, la romancière s’attaque aux travers de son temps avec une lucidité implacable, et à sa manière, méchamment drôle.«J’avais commencé à hiberner tant bien que mal à la mi-juin de l’an 2000. J’avais vingt-six ans... J’ai pris des cachets à haute dose et je dormais jour et nuit, avec des pauses de deux à trois heures. Je trouvais ça bien. Je faisais enfin quelque chose qui comptait vraiment. Le sommeil me semblait productif. Quelque chose était en train de se mettre en place. En mon for intérieur, je savais – c’était peut-être la seule chose que mon for intérieur ait sue à l’époque – qu’une fois que j’aurais assez dormi, j’irais bien. Je serais renouvelée, ressuscitée... Ma vie passée ne serait qu’un rêve, et je pourrais sans regret repartir de zéro, renforcée par la béatitude et la sérénité que j’aurais accumulées pendant mon année de repos et de détente.»Si tu es encore là, c’est que la rentrée littéraire pique tout de même un peu ta curiosité, non?! As-tu déjà repéré certains titres qui te font envie? Dis-moi tout!