Francesca Melandri
Traduit de l’italien par Danièle Valin
Gallimard
2019
566 pages
Ça, c’est un roman dense, passionnant, instructif et dépaysant. J’ai appris plein de choses sur les relations entre l’Ethiopie et l’Italie, sur la société italienne et ses dirigeants, du début du vingtième siècle à nos jours. Quel roman !
Extrêmement bien documenté, c’est une mine d’informations, notamment sur la colonisation de l’Ethiopie, on apprend tellement de choses qu’on a peur d’en oublier la moitié. Ceci dit, des images vont rester imprimées dans un coin de mon cerveau, des images horribles, fruits d’un racisme innommable. Et la race humaine n’en ressort pas grandie, loin de là.
On perd le fil de l’histoire pendant plusieurs chapitres pour mieux comprendre la situation historique et ceci à plusieurs reprises mais cela ne nuit aucunement à la lecture parce qu’on lit autant pour s’informer que pour s’immerger dans cette histoire familiale atypique. D’ailleurs, l’auteure combine adroitement l’Histoire avec celle de ses personnages. Du grand art !
On va et vient entre plusieurs époques au gré des recherches sur ce père qui a menti toute sa vie à sa famille en lui cachant l’existence d’un enfant métis. Jamais l’auteure ne perd son lecteur, elle l’embarque avec elle, avec une assurance à toute épreuve, rien ne l’arrête.
Le personnage du père est particulièrement ambigu, fasciste un jour, à l’écoute de son fils caché un autre, détestable et parfois émouvant. Qui est-il vraiment sous cette carapace ?
Les personnages sont tous, profonds, denses, ils ne sont pas des êtres de papier mais bien des individus de sang et d’âme. Du plus petit rôle au plus important, Francesca Melandri offre à ses personnages une incarnation.
Elle a privilégié dans ce roman l’aspect historique au détriment de l’aspect romanesque, ce qui rend la lecture de ce petit pavé, assez ardu par moment. Et en même temps elle maîtrise parfaitement la construction de son œuvre, elle met en place les pièces du puzzle avec art. Je suis admirative.
Ce n’est pas un roman qu’on dévore à pleines dents, c’est plutôt un roman qu’on déguste à petites bouchées pour en garder des odeurs, des images, des faits, pour ne pas oublier.
Un grand roman ambitieux, édifiant et engagé qui suscite une réflexion sur les méfaits de la colonisation, ou sur la place que l’Europe accorde ou pas aux réfugiés.
Je l’ai lu fin juin, et aucune de mes lectures depuis ne m’a autant passionnée.