Vendredi, nous fêterons les 80 ans de Marvel Comics. Forcément, l'éditeur se devait de mettre les petits plats dans les grands pour cet événement - et faire plus fort que la Distinguée Concurrence - en invitant une tonne d'auteurs et d'autrices qui ont laissé une emprunte sur l'univers Marvel dans un recueil de plus de 80 pages retraçant année après année, les 80 ans de l'éditeur.
J'aime lorsque l'anniversaire d'une série ou d'un personnage apporte une histoire intéressante et je préfère ça aux anthologies proposant des histoires qui défilent comme des vidéos Vine. Même si je respecte complètement le travail fourni sur ce genre d'œuvres, il faut avouer que la qualité n'est pas toujours au rendez-vous surtout avec des auteurs et autrices aux styles bien différents ou des artistes aux traits radicalement différents. D'un point de vue complètement personnel, je me retrouve alors à défiler les pages sans but précis et sans la motivation qu'une BD qu'on achète $9.99 devrait procurer.
C'est pour cela que l'annonce de Marvel Comics #1000 m'a vite refroidi. Mais, c'est la manière de le teaser que j'ai trouvé maladroit. Plutôt que d'annoncer une anthologie, l'éditeur a préféré citer les différentes créatives en premier vendant du rêve. Plus les teasers s'accumulaient, plus ma déception se faisait grande : pourquoi arriver à réunir Chris Claremont, Al Ewing, Jason Aaron, Peter David, Gerry Conway, Jonathan Hickman, Kelly Sue DeConnick, J. Michael Straczynski, Kelly Thompson, Brad Meltzer, Donny Cates, Joe Quesada, Daniel Acuña, David Lopez, Tim Sale, Dustin Weaver, Marcos Martin, Ed McGuinness, Goran Parlov, Nick Bradshaw, Chris Samnee, Kathryn et Stuart Immonen, et bien d'autres pour utiliser tous ses talents sur une anthologie de courtes histoires ? Et donc lorsque l'annonce de l'anthologie est tombée et apprendre que chacun allait réaliser une histoire d'une seule page, j'avais l'impression de gâchis. Même l'annonce présentant ce que Al Ewing préparait n'arrivait pas à me motiver plus que ça. Sincèrement, en présentant l'inverse (l'anthologie puis les équipes créatives), je suis quasi certain que ma hype serait montée en flèche.
Mais, je ne voulais pas passer à côté de cette anthologie événement parce que j'aime Marvel Comics.
Et, j'ai bien eu raison de me laisser tenter parce que c'était super bien.
Il y a une question de forme qui plait dans le sens où il y a un fil conducteur très présent qui démarre dès la première page du livre. Celui-ci écrit par Al Ewing présente ainsi le concept : chaque page présente une année différente, de 1939 à 2019, présentant un personnage iconique de Marvel Comics. Ainsi, sur chacune d'entre elles, apparaît une annotation présentant l'année et ce que à quoi l'histoire rend hommage. Ce fil conducteur met un peu de temps avant de s'installer mais propose très rapidement une sorte d'enquête qui démarre d'abord comme une histoire d'espionnage avant de devenir carrément autre chose en passant progressivement au film noir ou au récit super-héroïque. Le travail de Ewing est formidable dans le sens où il arrive à faire avancer deux intrigues connectées entre elles tout en rendant hommage aux personnages qu'il mentionne comme le petit mot bien placé sur la mort de Jimmy Hudson, ou le CV de Roberto Da Costa, ou la caractérisation de Namora, sans parler de l'utilisation intelligente des Agents of Atlas originaux.
Parce que, oui, ce fil conducteur forme deux histoires qui tournent autour d'un objet étrange qui a parcouru l'univers Marvel à travers les âges, le Masque de l'Eternité. La première histoire nous parle des porteurs dudit masque et comment ils se le sont transmis au fil du temps. La seconde montre un groupe de visages connus de Marvel se former afin de comprendre quel rôle a joué le Masque dans notre univers. C'est tellement bien écrit qu'on se régale à chaque page écrite par Ewing, d'autant plus qu'il a fait un joli travail à dépoussiérer des concepts ou à sortir des archives de vieilles histoires C'est tellement passionnant qu'on finit par tourner les pages avec envie et pas réflexe - comme l'effet vidéo Vine que j'évoquais plus haut.
Mais, le livre ne se contente pas des 23 pages écrites par Ewing, celles-ci sont placées tout le long de la chronologie. Entre temps, les autres auteurs et autrices s'occupent d'une page afin de parler d'un événement marquant de l'année dont iels sont en charge. Ces pages sont comme des interludes à l'histoire principale et, dans la dynamique de celle-ci, on se retrouve à les lire sans trop réfléchir et à simplement prendre ce qu'elles ont à offrir.
On se retrouve ainsi avec des pages très réussies comme le texte politique de Mark Waid illustré par John Cassaday (même s'il a été censuré par Marvel), la page sur Patsy Walker par les Immonen, l'hommage à Tessie The Typist par Kurt Busiek et Cameron Stewart, les problèmes de lessive de Doctor Strange par Joe Hill, Michael et Laura Allred, le cercle de Lokis par Kieron Gillen et Doug Braithwaite, l'interview de Hulk par Alex Ross, les rêves de Catpain America dans la glace par Gerry Duggan et Chris Samnee, l'histoire très dynamique avec Captain Marvel par Kelly Sue DeConnick et David Lopez, le combat entre Thanos et Galactus par Ryan North et James Harren, la semaine de Blade par Jim Zub et Nick Bradshaw, l'amitié entre Mary Jane et Gwen par Gerry Conway et Greg Land, l'histoire sur Spdier-Man par Brad Meltzer et Julian Totino Tedesco, l'aventure très visuelle de Speedbal par Ed Brisson et Jorge Fornes, la rencontre entre Wolverine et Punisher par Jason Aaron et Goran Parlov, le feu de camp de Elsa Bloodstone par Kelly Thompson et Pepe Larraz, Iron Man façon poupées russes par Chip Zdarsky, l'hommage à Amazing Spider-Man #700 par Dan Slott et Marcos Martin, Miracleman qui découvre l'univers Marvel à travers les comics par Neil Gaiman et Mark Buckingham, et la solitude de Dr Doom par Jason Latour.
La lecture est fun dans son ensemble malgré les quelques histoires moisies (J. Scott Campbell et Rob Liefeld en tête de liste), celles hors de propos comme les hommages à Star Wars et Conan mal intégrées, et celles moyennes ou anecdotiques (Chris Claremont et Salvador Larocca sur les X-Men). Mais, dans l'ensemble, c'est franchement une très bonne anthologie que j'ai étonnement dévoré.
Le livre a la bonne idée de s'ouvrir sur la case de Marvel Comics #1 (première publication de Marvel Comics alors appelé Timely Comics) avec laquelle le récit bascule dans le fantastique. Mais, la meilleure idée reste cette pleine page qui rend hommage aux auteurs et autrices disparues depuis 1939 même si on compte quelques oublis malheureux comme Robert O. Erisman, le créateur des 3 X qui jouent un rôle importants dans l'histoire, ou comme Martin Goodman le fondateur de la maison d'édition (!!!). Cela fait partie des choix incompréhensibles de cette anthologie comme de fêter en 1992 l'arrivée de Erik Larsen sur Spider-Man, par exemple. Autant ces derniers choix en gâchent pas la fête, autant les oublis des gens qui ont participé à l'aventure sont vraiment malheureux.