Etty Hillesum est une jeune femme hollandaise âgée d’à peine vingt-sept ans lorsque la seconde guerre mondiale éclate. Dans son journal puis dans ses lettres elle nous livre de 1941 à 1943, année de sa mort à Auschwitz, ses plus intimes réflexions sur sa vie comme sur les tragiques événements de son époque.
Son journal ne fut édité pour la première fois qu’en 1981… mais dû être réimprimé huit fois en l’espace d’un an !
« Je ne crois plus que nous puissions corriger quoi que ce soit dans le monde extérieur, que nous n’ayons d’abord corriger en nous. »
Avant de lire le journal d’Etty Hillesum, j’ai vu le film Un long dialogue avec toi, qui retrace rapidement la vie de la jeune femme. C’est une très bonne introduction au journal : vous pouvez voir un extrait ici !
Cette édition (voire couverture ci-dessus) est particulièrement intéressante car elle regroupe le journal d’Ettie Hillesum et ses lettres, envoyées de Westerbock où elle soutenait les juifs déportés avant d’être elle-même envoyée à Auschwitz.
Si j’ai beaucoup aimé le journal d’Anne Frank, beaucoup plus connu il me semble et plus accessible également, j’ai été absolument impressionnée et captivée par celui d’Etty Hillesum. J’ai découvert une jeune femme moderne pour son époque et très mature pour son âge. Au début de son journal, elle raconte principalement sa complexe relation avec Julius Spier (appelé S), un psychochirologue (une science qui se base sur les plis/lignes de la main pour en déduire des caractéristiques psychiques si j’ai bien compris ^^). Non seulement ses réflexions dévoilent une personnalité très complexe et intéressante, mais le journal est vraiment bien écrit. Ettie Hillesum se livre à plusieurs reprises sur sa volonté d’écrire et le sens de cet acte pour elle, sur les difficultés qu’elle rencontre et les bénéfices de se confier ainsi à son journal.
« J’ignore comment réaliser mon désir d’écrire. Tout est encore trop chaotique, et il me manque la confiance en moi, ou plutôt l’urgente nécessité de dire quelque chose de précis. J’attends encore le moment où tout sortira et trouvera sa forme naturellement. Mais pour cela, il faut d’abord que je trouve moi-même cette forme, ma forme propre. «
« Dévorer des livres, comme je l’ai fait depuis ma plus tendre enfance, n’est qu’une forme de paresse. Je laisse à d’autres le soin de s’exprimer à ma place. (…) Depuis des années, j’emmagasine, j’accumule dans un grand réservoir, mais tout cela devra bien ressortir un jour, sinon j’aurai le sentiment d’avoir vécu pour rien, d’avoir dépouillé l’humanité sans rien lui donner en retour. »
Lorsqu’Ettie commence à parler de la guerre et de la vie imposée à la population juive, c’est avec un recul impressionnant pour l’époque. Très tôt elle parle des camps alors que beaucoup avaient nié connaitre leur existence jusqu’en 1945 mais jamais elle n’éprouve de la haine ou de la rancœur pour les hommes à l’origine de ce massacre. Sans pour autant passer pour une victime passive et résignée, elle accepte tout ce qui lui arrive. Elle ne semble pas avoir peur de la mort et reste convaincue jusqu’à la fin de la beauté de la vie et des personnes qui l’entourent. Ainsi, elle tente d’apporter du réconfort aux juifs de Westerbork avant de se faire elle-même déporter en novembre 1943.
« En tout lieu de cette terre on est chez soi, lorsqu’on porte tout en soi. Je me suis souvent sentie -et je me sens encore- comme un navire qui vient d’embarquer une précieuse cargaison ; on largue les amarres et le navire prend la mer, libre de toute entrave; il relâche dans tous les pays et prend partout à son bord ce qu’il y a de plus précieux. On doit être sa propre patrie. »
Le journal d’Ettie Hillesum m’a autant bouleversée que touchée. A certains moments je retrouvais dans ses écrits des questionnements assez proches des miens, et à d’autres je l’admirais pour sa force, son parcours et le message pacifique qu’elle transmet. C’est un livre très important à lire, autant pour un impressionnant témoignage de la déportation et de la guerre que pour découvrir un cheminement de pensée passionnant!
Mlle Jeanne