La maison est dans les hauteurs de la campagne espagnole d'où l'on aperçoit la mer au loin.
La maison a été bâtie à force de travail, de patience, de volonté. Elle en a occupé des week-ends et des vacances.
La maison demande à être constamment entretenue, bichonnée, réparée, visitée, habitée même.
La maison raconte une vie, des vies, une famille, ses souvenirs, ses absences, avec ses bibelots, ses trophées, ses outils, ses rires, joies et peines.
La maison, c'est le temps qui passe, qui s'enfuit et celui qui reste puis devient.
La décoration de cette maison est un voyage dans le temps.
" La " maison et non " une " maison.
La maison comme une personne à part entière et un point d'ancrage.
Elle est celle d'Antonio Gisbert, décédé il y a un an.
Depuis, la maison a pris la poussière, le soleil n'inonde plus ses pièces, tout y est resté suspendu, figé, en attente. Les plantes et les arbres dépérissent, et seules les feuilles amassées dans les recoins de sa cour apportent du mouvement.
C'est la première fois que je suis ici sans rien faire.
Notre père nous appelait tout le temps pour faire une chose ou une autre.
Il ne supportait pas l'oisiveté.
Pour moi, venir ici était comme être condamné aux travaux forcés.
Le temps d'un week-end prolongé, ses trois enfants (Vicente, José et Carla) et leurs conjoints, y viennent.
Leur but : la vider et lui apporter un coup de neuf dans l'espoir de la vendre.
Malgré deux questions lancinantes :
" Quel est le moment le plus heureux que vous ayez passé dans cette maison ? "
Au fur et à mesure qu'ils avancent, réparent, retrouvent, se séparent, progressent, des réminiscences, anecdotes et confidences jaillissent et s'échangent.
Entre nostalgie et colère, tristesse et rancœur, questionnements et souvenirs heureux, banals, individuels ou croisés, anciens ou récents, se reconstitue leur vision de ce passé commun et se dessinent leurs caractères.
Comme celui de leur père, judicieusement contrebalancé par des échanges avec son ami Manolo.
Les planches suivent ce mouvement, nous faisant voguer au gré de leurs pensées, mémoire et trouvailles par des jeux de couleurs.
Passent les heures et passent les cases où l'on observe les changements de la maison, des corps, des envies, des générations, jusqu'à l'inversion des rôles.
-Vendre cette maison, c'est comme renier une partie de notre passé.
-Non, ce n'est pas vrai.
-Nous n'avons pas besoin d'elle pour nous souvenir de papa.
C'est grâce à Noukette que j'ai découvert Paco Roca, et cet album en particulier.
Un petit format à l'italienne, intimiste.
Une rencontre coup de cœur.
Une thématique qui me touche et qui a fortement résonné cet été lorsqu'il a fallu aider mon père à déménager et à vider les lieux de mon/notre enfance/adolescence avec mes sœurs.
Et de ressentir nombre des sentiments décrits en ses pages.
Un album chouchou, nostalgique, à la fois amer et doux, dans lequel il fait bon revenir et que je garde bien précieusement.
Et si vous êtes comme moi, sensibles aux lieux et à leur mémoire, cet album ne pourra que vous plaire.
Il participe au RDV BD de la semaine, aujourd'hui chez Stéphie (CLIC), et à l'Objectif PAL d'Antigone.Belles lectures et découvertes,
Blandine