Recrue

Par Sophie Dessongesetdesmots

Auteur : Samuel Champagne

Editeur : Editions de Mortagne

Date de sortie : 8 août 2013

Lien d’achat : Amazon

– Résumé –

Une recrue…Voilà comment Thomas se sent. Un nouveau, un débutant. Dans un univers qu’il ne connaît pas et qui lui fait très peur: celui de l’homosexualité.

Alors que Maxence, fraîchement débarqué d’Angleterre, semble s’intéresser à lui, Thomas se pose bien des questions. Leur relation déborde-t-elle du cadre de l’amitié ? Max, ce sportif populaire, peut-il réellement être gai? Il n’en a pourtant pas l’air…

À seize ans, Thomas a de la difficulté à le croire, mais il finit par l’admettre : il aime les hommes. Déjà que son quotidien n’est pas simple, alors que sa passion pour la danse attire sur lui les propos homophobes de ses camarades, l’avenir s’annonce encore plus compliqué.. Quand à Max, il s’ennuie de la liberté d’agir qu’il avait à l’étranger, et de ses amis qui l’acceptaient tel qu’il est. Osera-t-il s’afficher ouvertement de nouveau ?

Ensemble, les deux garçons découvrent le véritable amour. Pourquoi se cacher quand ce qui nous anime est si beau, si enivrant ? Pour s’affirmer, il faut être prêt à affronter le regard des autres. Un regard souvent dur et rempli de jugements…

Environ 5% de la population mondiale est homosexuelle. Mais trop peu de jeunes admettent leur différence, de peur d’être rejetés. L’histoire de Maxence et de Thomas nous permet de constater les nombreuses embûches que rencontrent les adolescents lorsqu’ils découvrent que leur orientation sexuelle est contraire à la «norme». Dans une société qui se dit moderne et ouverte d’esprit, des efforts sont encore nécessaires afin que les tabous entourant l’homosexualité masculine disparaissent.

Samuel Champagne est un auteur québécois que j’ai croisé au Salon du Livre à Paris en mars 2019, et dont j’avais acquis immédiatement plusieurs livres, curieuse des messages qu’il semblait vouloir faire passer. Une littérature qui parle au-delà de ce qu’elle raconte, qui dit bien plus que son histoire. Je me suis dit « Ça, c’est pour moi ! », et je n’ai pas été déçue.

Recrue est son premier roman, je prends enfin le temps de lire, et je regrette d’avoir attendu si longtemps.  Quelle claque ! Un livre d’une simplicité rafraîchissante, qui m’a donné le sourire tout du long ! Il n’invente rien, mais c’est d’une grande efficacité. Une romance en elle-même toute douce et facile, un peu naïve, mais qui cache bien des messages : acceptation de soi, des autres, tolérance, harcèlement scolaire, exclusion…

Recrue est avant tout un livre très accessible, qui peut être lu par un public relativement jeune. C’est un authentique roman d’apprentissage, avec une certaine visée pédagogique. Dans sa manière de représenter les problèmes rencontrés par les ados, il m’a rappelé les mécanismes des albums jeunesse, dans leur volonté de transmettre des valeurs. Pour certains, ce serait un roman rassurant, encourageant, source d’espoir. Pour d’autres, un peu de plomb dans la tête, un esprit moins fermé, plus empathique, parce que l’amour est joli sous toutes ses formes, non ?

Parce que ce qu’il transmet, ce roman le fait avec une extrême délicatesse, et une bonne dose de réalisme, sans jamais trop en faire. On suit Maxence, et Thomas, Max et Tom, âgés de 16 ans. Ce sont presque encore des enfants, ils ont un côté candide, et vont vivre leurs premiers émois. Le tout est raconté avec beaucoup de pudeur, énormément d’innocence, et c’est si beau.

« Je comprendrai jamais ce que certains peuvent voir de mal dans le fait que je t’aime. » (Maxence)

Pourtant, au-delà de la force et de la magie des premiers sentiments amoureux, leur situation fait surtout ressortir la violence de ces années-là, la pression sociale du collège ou du lycée, ces moments où l’on se découvre soi-même, où l’on s’apprend. Et la force qu’il faut parfois pour s’accepter, pour s’affirmer face aux regards, face aux remarques, et pire. Les problématiques abordées sont celles relatives à la sexualité, mais pas seulement. Ça a été une évidence pour Maxence avant son déménagement, il était fier et droit. Malheureusement, ça ne l’est plus tout à fait par la suite. Quant à Thomas, il est bien plus frileux au départ. Il lui faudra énormément d’amour pour qu’il avance. Les enfants sont si durs les uns avec les autres, c’est une réalité, c’est moche de se juger avec tant de froideur et de sévérité. Et les adultes ne font pas toujours beaucoup mieux.

Malgré cela, vraiment, ce livre, tout en dénonçant les difficultés rencontrées, déborde vraiment d’amour et d’espoir. C’est une très belle lecture, un livre comme je les aime, qui a quelque chose à dire. Le tout est enrobé d’un peu d’humour, parfois sarcastique, et les lecteurs français ont de quoi rire avec certaines expressions québécoises qui nous sont inconnues. Et ça ne sera pas au goût de tout le monde, mais personnellement, j’ai adoré voir de l’anglais parsemé dans tout le livre, quelques mots par-ci, un ou deux phrases par-là.

Un roman qui vaut vraiment le détour, et un auteur que j’ai hâte de continuer à découvrir. Si tous ses livres ont cette qualité, mélange de profondeur et de douceur, de l’amour avec une véritable portée éducative, je vais me régaler.