There there en version originale
Tommy Orange
Traduit de l’américain par Stéphane Roques
Albin Michel
334 pages
Août 2019
Prologue et entracte donnent le ton, ces deux chapitres (au début et au milieu du roman) replacent les événements romanesques dans leur contexte, ils éclairent, ils informent, ils règlent leurs comptes, ils sont essentiels à la bonne compréhension de l’ensemble.
Dans ce roman, une douzaine de personnages, tous d’origine amérindienne, tous urbains, évoluent autour de la ville d’Oakland, ne se connaissent pas forcément, vont se croiser, ou pas, mais se retrouveront tous au grand pow-wow (pour des raisons très différentes), et cet ultime lieu scellera leur destin commun.
Rien dire de plus sur ce roman qui, de toute manière, est difficilement racontable puisqu’il est la somme de plusieurs histoires.
Tommy Orange dit le mal-être des Amérindiens d’Oakland, il raconte leurs déboires, leur dépendance à l’alcool ou à la drogue, leur violence, leurs désillusions, et tout ça sans aucun misérabilisme et c’est là qu’il est très fort. Ses portraits sont d’un réalisme puissant et projettent en nous des images fortes, marquantes.
Il interroge sur l’identité amérindienne. Que signifie être indien ? On regroupe par facilité des tribus très diverses. Comment parler d’un seul bloc quand ils ont tous des parcours différents, entre celui qui a une mère blanche et un père indien, ou celui qui est l’enfant d’une femme qui s’est suicidée, ou ceux qui sont nés en état de manque d’une mère droguée…
Roman très contemporain, loin de l’image des indiens parqués dans une réserve, il nous donne à réfléchir. Lorsque les personnages se regardent dans une glace, ils ne se reconnaissent pas. Il faut peu de mots à Tommy Orange pour dire le mal-être de ses personnages, une image, un échange, un souvenir, nul besoin pour lui de délayer, d’expliquer, de développer pour que le lecteur éprouve ce que ressentent les personnages.
Ce roman se mérite, il n’est pas facile de naviguer dans ses multiples histoires et je suis bien contente de ne pas l’avoir lu sur liseuse, car il m’a fallu pléthore d’allers et retours dans les pages pour faire le lien entre les personnages, pour me souvenir d’eux. J’ai relu certains passages, à plusieurs reprises. La lumière ne s’est pas allumée à tous les étages de ma compréhension immédiatement.
Cette histoire est une tragédie indicible, elle est incroyablement douloureuse, pessimiste. Et si au bout du tunnel il n’y avait qu’une mare de sang…
Avec ce premier roman ambitieux, Tommy Orange a tapé très fort !
J’ai acheté ce roman à sa sortie grâce à l’article d’Autist Reading qui l’avait lu en version originale l’an dernier.