Éditions de Fallois, 2009 (279 pages)
Ma note : 16/20Quatrième de couverture ...
Après la mort du Bossu, et la vente des Romarins, Manon et sa mère s'installent dans la grotte de Baptistine. Quelques années plus tard, Manon trouve l'occasion de se venger... Pagnol s'est souvent adapté lui-même, passant aisément du théâtre au cinéma. Ici, il fait le chemin inverse, et adapte un film en roman : Manon des sources (1963), deuxième roman de L'Eau des collines, est la " mise en roman " du film éponyme, tourné dix ans plus tôt. On en retrouve tous les personnages, et on est émerveillé de voir que les dialogues, qui sont souvent, mot à mot, les mêmes, " s'entendent " aussi bien sur la page que sur l'écran. Manon des sources sera une sorte de testament : Pagnol ne réalisera jamais Jean de Florette, et n'écrira plus de fiction.La première phrase
" Dès qu'il reçut la grande nouvelle, Attilio n'hésita pas une seconde, et il vint d'Antibes pour diriger en personne les premiers travaux. "
Mon avis ...
Second volet de L'eau des collines, Manon des sources s'ouvre sur le triomphe d'Ugolin et du Papet, libres de cultiver des œillets sur les terres du Bossu. Et encore une fois, quel roman ! Je ne regrette pas ma rencontre avec les écrits de Marcel Pagnol. Jean de Florette (lu en juillet) m'avait intriguée, puis embarquée. Manon des sources m'a littéralement transportée. C'est simple, j'avais l'impression d'être aux côtés de Manon, avec son chien et ses chèvres, à courir courir pieds nus dans la garrigue. Jean de Florette est un roman de la terre. Manon des sources est un roman plus féminin. Je l'ai dévoré, et je ne m'attendais nullement à un final pareil.
En ce mois de septembre, j'ai pris plaisir à retrouver la Provence natale de Pagnol. J'ai aussi aimé que l'intrigue se mette ici plus rapidement en place que dans Jean de Florette. Et quelle histoire ! Car il n'est pas question que d'une simple intrigue amoureuse. Vengeance, non-dits, secret de famille : tout y est. J'ai souvent trouvé Manon cruelle. J'ai éprouvé une certaine empathie pour ce pauvre Ugolin, qui reste un personnage si complexe. Et que dire du Papet, souvent dans l'ombre, mais qu'on finit par apprécier à la fin du roman ! J'ai adoré découvrir ce lourd secret de famille. Si seulement il avait été découvert et parlé à temps, tout aurait pu être si différent.
Autre point que j'ai aimé : l'absence de méchants. Chaque personnage de Pagnol fait finalement au mieux, avec ce qu'il est, ses joies et ses blessures. J'ai également apprécier m'imaginer la vie d'un village d'antan où les ragots vont bon train, mais où il est aussi important de préserver son honneur et sa réputation. La fontaine du village. Le café où l'on se réunit. Les collines, plus isolées, où il peut se passer tellement de choses... J'avais l'impression d'y être tout en voyageant dans le temps.
En bref, Marcel Pagnol clôture ici une intrigue à la tonalité tragique mais captivante. J'ai réussi à m'attacher au personnage de Manon, si sauvage, même si je n'ai pas toujours cautionné ses actes. Il me tarde maintenant de poursuivre avec l'auteur, peut-être en me plongeant dans ses Souvenirs d'enfance ?
Extraits ...
" Quand une sorcière est belle, eh bien, ça s'appelle une fée ! "
" Le grand problème du paysan a toujours été le choix d'une cachette : Ugolin était assez fier de la solution qu'il avait trouvée.
Au-dessus du petit bahut boiteux de sa cuisine, il avait cloué une grande feuille de carton jaunâtre, sur laquelle était tracée, en lettres inégales, une inscription décourageante :
CABRIOLEUR, ANTENTION
Vous fatiguez pas à sercher l'arjent. Elle est pas ici. Elle est à la Banque, au milieu d'Aubagne, à côté de la jeandarmerie. 12, Cour Voltêre. Y'a rien à faire.
C'était une ruse qu'il jugeait infaillible. "