Les choses humaines – Karin Tuil

Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes pour Jean et Claire Farel. Ils forment un couple solide et mènent une vie sans anicroches. Jean est à la fois journaliste de renom et politique français, son épouse Claire est réputée pour ses engagements féministes. Leur fils est étudiant dans une prestigieuse université américaine. Tout semblait leur réussir jusqu’au jour où une accusation de viol va faire basculer leur édifice…

Ainsi, le sexe, la fougue et l’appétit du risque mèneront droit dans le mur ce couple si parfait.

Le décor est planté et l’on se plonge tout de go dans cette intrigue sulfureuse menée de main de maître. Dès les premiers chapitres, l’auteur nous présente les principaux protagonistes. D’abord Claire, essayiste féministe, Jean son ex-compagnon, journaliste habitué des émissions télévisées, puis Adam, le nouveau compagnon de Claire, et enfin Alexandre, le fils de Claire et Jean, qui poursuit de brillantes études à l’Université de Stanford.

L’auteur dissèque avec une grand précision l’âme de ses personnages jusque dans leur intimité la plus profonde, analyse leurs failles, leurs déviances, dépeint les contours de leur âme dans ce qu’elle a de plus vil.

les choses humainesAu fil du récit, on s’abreuve de ce philtre aux saveurs amères et l’on se régale de cette plume que l’auteur emprunte à Balzac pour sonder le monde intellectuel qui s’emballe et perd pied devant les remparts médiatiques et judiciaires et le courroux nés de la question du viol.

Petit à petit, on attend le débordement que l’auteur qualifie de « diffraction », lorsque les vents contraires se déchaînent et couchent à plat les héros. Le jugement dernier, c’était donc le sexe, rien que cela. À partir de là, le récit s’emballe et tressaute, nous entraîne dans un ballet fougueux et rythmé. Quel personnage sera le détonateur et comment les protagonistes qui l’entourent vont-ils réagir ? Seront-ils bouleversés ou fébriles suite au chaos qu’ils ont subi ?

Et l’auteur de nous promener avec clairvoyance entre les thématiques d’aujourd’hui, la frénésie des médias, la controverse entre le consentement et le viol, les témoignages de toutes sortes, les « moi aussi j’ai connu ça ». Au milieu de ce huis clos, se débattent des personnages attachants mais aussi pleutres voire ignobles.

Le personnage de Claire sort néanmoins du lot, elle qui voit ses certitudes chavirer, ses convictions philosophiques dégringoler et avec cela tout ce qu’elle a pu ériger, s’effondrer comme un château de cartes. Et nous lecteurs nous sentons quelque peu désarçonnés face à cette histoire de viol dont on ne connaît que peu d’indices et de réponses, rendant ainsi l’atmosphère du roman un peu malsaine.

L’auteure pose des questions de société, de comportement, analyse avec minutie la difficulté des relations humaines quand les obstacles surgissent mais elle évite toujours de se heurter à la sensiblerie et aux clichés.

Un récit subtil et brillant.

Les choses humaines de Karin Tuil, éd. Gallimard

Date de parution : 15/9/2019