Tranche de vie. Cet été, j’ai exploré, aux côtés de Maud et d’Electra, un coin méconnu et peu touristique du Québec: Eeyou Isthee Baie-James. L’endroit idéal pour décrocher et faire le plein de zénitude bien arrosée. Pas de pollution sonore ni visuelle. Peu de chats à la ronde. Manquer de faire une crise cardiaque en croisant un truck poussiéreux. Penser halluciner à la vue d’un Rambo sur le bord du chemin ou d’un homme qui fait du pouce assis sur une chaise de cuisine avec sa guitare. J’te l’dis, c’était épique et dépaysant. C’était bien beau, tout ça, bien bien beau. Mais il a ben fallu revenir. Et le retour à la civilisation a été tout un choc. C’est vrai que nous n’y sommes pas allées en douceur: passer sa dernière nuit au camping de Saint-Félicien n’était pas l’idée du siècle. Méga choc culturel. Des guerres de clôtures, des «Regarde comme mon barbecue est plus gros que le tien», des torses bombés mal bronzés, des chiens bien rasés avec foulard assorti. Je me suis ennuyée des arbres, de la route de gravelle et de mes haricots froids!
La chaleur
, c’est un 24 heures qui s’étire, dans un camping des Landes. Léonard, 17 ans, et sa famille, chien compris, y séjournent. Les fêtes sur la plage, la chaleur écrasante, la musique assourdissante, les torses bombés, rien de tout ça n’est du goût de Léonard. Il fait figure de tache dans ce paysage. Cette nuit-là, il va se passer quelque chose de terrible. De vraiment terrible. Léonard assiste à quelque chose qu’il n’aurait jamais dû voir. Les gestes qu’il posera ensuite le feront courir à sa perte.Plus j’y repense, plus le roman de Victor Jestin m
’a fait une forte impression. Il met en lumière, de façon crue et franche, le désoeuvrement et les tourments de l’adolescence, les émois et tâtonnements amoureux (Tinder compris), l’orientation sexuelle incertaine, l’omniprésence des téléphones portables... Léonard peine à s’insérer dans le troupeau, à faire un avec la norme; il n’a ni les codes ni les outils pour le faire. Son inadéquation sociale est tangible. Les ados du roman, certains plus attachants que d’autres, reflètent bien leur époque. Les adultes aussi, quoique plus effacés. J’ai lu récemment que nos ados seraient moins actifs sexuellement que leurs parents. La faute aux réseaux sociaux et à la porno. Les relations se passent, le gros du temps, devant un écran. Une fois face à face, la pression de performer et le malaise gâchent le moment... Dans le roman de Victor Jestin, il y a Louis, le seul ami de Léonard, qui rend bien compte de cet état de fait.Avec une tension palpable tout du long, La chaleur te plonge dans une ambiance délétère, poisseuse, qui questionne ta moralité (ou ton immoralité). Un premier roman à l’énergie brutale, rempli de fureur. Une roman addictif et suffocant.Virginie, un peu moins enthousiaste que moi, l’a aussi lu.La chaleur,
Victor Jestin, Flammarion, 144 pages, 2019.★★★★★