Ici, le Joker n'est pas ce terroriste nihiliste vu chez Nolan, où cette icone postmoderne malsaine dans Suicide Squad, (mal) incarné par Jared Leto. Encore moins le clown baroque campé par Jack Nicholson. C'est avant tout un homme doux, mais à la psyché fracassée par d'évidentes problématiques familiales et affligé d'un handicap saugrenu, ce rire incontrôlable, irrépressible, à chaque fois qu'il se sent dans l'embarras. Ce Joker n'a rien demandé et ça tombe bien, car on ne lui a jamais rien donné! La société lui reprend même régulièrement le peu quelle lui propose, que ce soit des séances de psychothérapie ou un traitement médicamenteux. Le gouvernement Reagan, dans les années 80 (quand se déroule les événements), coupe les fonds du secteur social et abandonne à leur funeste destin les américains les plus précaires.
Ce n'est pas que la folie ou le handicap qui poussent un homme à incarner le Joker, mais c'est une addition de ces facteurs, intimes et sociaux, qui crée le monstre dont la trajectoire oscille entre tragique et comédie absurde. C'est parce qu'il est depuis toujours invisible que cet homme, Arthur Fleck, désire plus que tout exister un instant, qu'il rêve de devenir comédien de stand up (mais il faudrait pour cela qu'il soit drôle comme le souligne jusqu'à sa propre mère) et d'apparaître en prime time dans son show télévisuel fétiche, animé dans le film par un Robert De Niro histrion à souhait. Ce Joker est un cauchemar car il est l'aboutissement de tous ces rêves qui échouent dans une impasse, quand l'humiliation quotidienne devient la norme, entre agressions impunies dans la rue ou le métro, et l'impossibilité de gagner dignement sa vie. Solitaire, il est l'expression d'une pression sociale inouïe, qui inéluctablement ne peut qu'amener à l'explosion.
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