Lire un roman de Max Porter est toujours une expérience en soi. Il m’avait fallu lire deux fois d’affilée La douleur porte un costume de plumes, son premier roman, pour en apprécier toute la puissance et la singularité.Comme avec La douleur porte un costume de plumes, j’ai ouvert Lanny avec un mélange de curiosité et d’appréhension. Je n’ai cependant pas eu besoin d’une deuxième lecture pour être happé par l’univers qui s’ouvrait devant moi.
Robert et Jolie s’installent dans un petit village anglais avec leur fils Lanny. Pendant que Robert travaille à Londres et que Jolie tente d’écrire un thriller bien sanglant, Lanny explore son nouvel environnement. Ce gamin est la curiosité incarnée. Incontinent verbal, il pose des questions, de bien étranges questions qui amusent et inquiètent à la fois ses parents. Pour stimuler la fibre artistique de son fils, Jolie demande à Pete, un artiste de la région, de lui donner des cours particuliers. L’amitié entre Pete et Lanny, pétrie de créativité et d’art, prendra une tournure inattendue.
Un mystérieux événement plonge la vie des parents de Lanny, de Pete et de tous les villageois dans le chaos. Les mauvaises langues en profitent pour se déchaîner. À cet effet, la typographie éclatée, étourdissante de certains chapitres, rend bien compte de la cacophonie de ces voix qui entrent en collision et se chamaillent pour attirer l’attention, faire enfler les rumeurs et alimenter les commérages. Le Père Lathrée Morte, une figure folklorique ancestral, arpente le village pour s’abreuver de toutes les conversations des villageois.Il y a un souffle incroyable dans ce roman.Si le fond de l’intrigue est en apparence simple, l’architecture du roman éclate d’originalité. Max Porter brouille la frontière entre fiction et thriller, fable et conte. Il va là où on ne saurait le voir venir. Dans un entretien, il affirmait que que les réactions des gens sur son roman en disent autant sur le lecteur que sur le livre. C’est dit!Un roman hybride audacieux et inquiétant, aussi fascinant que déstabilisant. Une expérience de lecture unique. Chapeau bas à Charles Recoursé pour sa traduction exemplaire.Lanny, Max Porter, trad. Charles Recoursé, Seuil, 240 pages, 2019.★★★★★