By the rivers of Babylon de Kei Miller

Par Tassadanslesmyriades

Augustown, quartier pauvre de Kingston, Jamaïque. En cet après-midi d'avril 1982, assise sur sa véranda, Ma Taffy sent dans l'air une pesanteur très particulière. Kaia, son petit-fils, rentre de l'école. Ma Taffy n'y voit plus mais elle sait reconnaître entre toutes l'odeur entêtante, envahissante, de la calamité qui se prépare. Car aujourd'hui, à l'école, Monsieur Saint-Josephs a commis l'irréparable : il a coupé les dreadlocks de Kaia - sacrilège absolu chez les rastafaris. Et voilà Ma Taffy qui tremble, elle que pourtant rien n'ébranle, pas même le chef du gang Angola ni les descentes des Babylones, toutes sirènes hurlantes. Alors, pour gagner du temps sur la menace qui gronde, Ma Taffy se met à lui raconter comment elle a assisté, petite fille au milieu d'une foule immense, à la véritable ascension d'Alexander Bedward, le Prêcheur volant. Oui, à Augustown, Jamaïque, le jour de l'Autoclapse - calamité aux promesses d'Apocalypse - est une nouvelle fois en train d'advenir.

(source : Babelio)

Chez @ editionszulma voici ... Un chef-d'oeuvre 🇯🇲 du pays insulaire des Caraïbes, berceau du reggae : la Jamaïque. Augustown, petit ville indépendante du Royaume-Uni depuis 1962. Petite ville si calme et pourtant sans cesse mouvementée. La révolution rôde. L'autoclapse arrive. Vous apprendrez de quoi il s'agit en lisant ce livre. . .

Espagnole puis britannique puis indépendante, l'île jouit d'un incroyable multiculturalisme, menacé par la stupidité humaine. Des millions d'esclaves y avaient été débarqués.

Années 80, leurs descendants jamaïcains sont plus que jamais déterminés à en découdre à la moindre incartade. . .

Ce roman est une vraie perle. Il vous berce d'une poésie, d'une sorte de slam, d'une langue vivace, rythmée, musicale. Il vous fait voir avec des yeux neufs une communauté dont on ne sait finalement pas grand-chose.

Des yeux d'aveugle, ceux de Ma Taffy, la doyenne, qui veille sur son entourage et sa famille, jusqu'au jour où Kaia rentre chez lui, scalpé. On lui a coupé les dreads, on lui a coupé la seule marque de son identité.

On prend conscience de la profondeur du roman lorsque les histoires s'enchaînent à travers le roman. Une galerie de personnages viennent étoffer l'intrigue autour d'un geste d'une violence et d'un racisme terrifiants. . . Ce roman contient tout sur la décolonisation et le colonialisme.

L'auteur traite avec passion et ferveur d'un sujet si fragile qu'il pourrait tomber dans le tragique, le mélancolique. Mais il s'éloigne de tout pathos. Vivifiante histoire d'un peuple tout entier dressé contre les diktats des Blancs qui veulent à tout prix effacer toutes les traces de leur identité commune. . .

Empruntant les traits d'un roman hommage aux grands "prophètes" jamaïcains, retraçant le parcours du prêcheur volant Bedward, Kei Miller se sert du roman comme moyen d'exprimer ce qu'il aurait pu écrire en pamphlet. Le roman est plein de poésie, il ressemble à une fable, à un conte. Il a reçu de nombreux prix. Et c'est amplement mérité. Il m'a rappelé de Chinua Achebe dans son propos et sa gravité parfois, le trait d'humour en plus. O ui, avec tellement plus de fougue et d'éclats de rire. . .

Vous l'avez lu ? Si non, qu'attendez-vous ?