À peine un mois s’est écoulé depuis que j’ai lu mon premier roman de Jean-Paul Dubois. Comme tu le vois, je n’ai pas perdu de temps pour battre le fer pendant qu’il était chaud et replonger. Le Paul en question de son dernier roman a vu sa vie de bonheur paisible partir en fumée. Il se retrouve enfermé entre quatre murs, dans une cellule de six mètres carrés. Deux ans de détention à la prison de Bordeaux, à Montréal. Il partage ses jours et ses nuits avec Patrick Horton, un Hells Angels incarcéré pour meurtre.Au présent de la vie carcérale de Paul viennent se greffer des bribes de son passé et de son histoire familiale.Son enfance toulousaine entourée d’un père pasteur à la foi vacillante et d’une mère propriétaire d’une salle de cinéma d’art et d’essai recyclée en cinéma porno. Son exil au Québec, sa vie d’adulte, son travail d’homme à tout faire dans un immeuble d’Ahuntsic, son histoire d’amour avec une Algonquine. Un chemin de vie plutôt bien fleuri. Jusqu’à ce que la tragédie frappe
Des personnages terriblement émouvants dans leurs failles.
Un Paul sensible, intègre, un brin désabusé, toujours lucide et bienveillant. Même Nanouk, sa chienne, m’a tiré quelques larmes. L’amitié qui se tisse entre Paul et Horton est touchante sans bon sens. Rarement unHells Angels ne m’aura apparu aussi attachant.Sa langue bien pendue, sa désinvolture, sa phobie des souris, sa fixation sur les Harley Davidson, sa peur bleue des dentistes et des coiffeurs, en font un personnage succulent, à mille lieues des clichés. Pour la Québécoise que je suis, j’ai été ravie de découvrir que Jean-Paul Dubois connaissait bien le Québec, ses lieux, son histoire. Qu’il s’agisse de la prison de Bordeaux, du quartier d’Ahuntsic, de la mine d’amiante de Thetford Mines, du référendum de 1995, de la crise du verglas de 1998, des trois incendies qui ont frappé l’hippodrome de Trois-Rivières, l’auteur s’est bien documenté. Comme sa femme est Québécoise, ça aide à mettre les pendules à l’heure!Un petit bémol de rien du tout. Qu’Horton, le Hells Angel baraqué, s’exclame «Putain!» à tout bout de champ m’a hérissé le poil des bras. Que cette expression française sorte de la bouche d’un biker québécois, ça écorche les oreilles!Jean-Paul Dubois est un conteur hors-pair, un créateur d’émotions. Il jongle avec le léger et le grave, le rire et les larmes, la profondeur et l’insolite, mélange la petite et la grande histoire.Servie par une écriture fluide etévocatrice, il se dégage de ce romanune grande humanité, une énergie lumineuse.Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon,
Jean-Paul Dubois, De l’Olivier, 256 pages, 2019.★★★★★