Feel Good – Thomas Gunzig

Par Noann

« Ce qu’on va faire, c’est un braquage. Mais un braquage sans violence, sans arme, sans otage et sans victime. Un braquage tellement adroit que personne ne se rendra compte qu’il y a eu un braquage et si personne ne se rend compte qu’il y a eu un braquage, c’est parce qu’on ne va rien voler. On ne va rien voler, mais on aura quand même pris quelque chose qui ne nous appartenait pas, quelque chose qui va changer notre vie une bonne fois pour toutes. »

Alice, 40 ans, auparavant vendeuse de chaussures, à présent sans travail depuis longtemps et bientôt déchue de ses droits à une allocation de chômage, essaie par tous les moyens de gagner quelques euros par ci par là, afin de permettre à son fils de recevoir une éducation décente. Achille, né d’une nuit avec Nathan, qui l’a quittée dès après avoir appris qu’elle était enceinte.

Le gouffre financier s’agrandit de jours en jours et elle se retrouve surendettée, aux abois. Pour tenter de survivre, la pauvre Alice décide d’écrire un best-seller, un roman « feel good » rempli de messages qui exhalent le bonheur et les bons sentiments. Pour la soutenir dans ce projet, elle choisit de se faire conseiller par Tom, un écrivain médiocre, dont l’épouse déçue décide le quitter. Entre eux naît une sorte d’histoire de deux perditions, deux âmes démunies, qui ont décidé de se battre sous le joug d’un monde cruel et sans compassion, dénué de sensibilité et de respect pour les désœuvrés, les pauvres, ceux qui frémissent d’approcher la fin du mois sans le sou.

Alors comment garder la tête hors de l’eau dans ce monde qui juge, toise, méprise les exclus ? Et comment écrire un récit qui fait du bien au cœur, quand les lendemains ne sont que mouillés de larmes et nourris de peur et d’angoisse ?

L’auteur a réussi une prouesse. Et plutôt que de nous plonger dans la désespérance, il fait un virage à 180°, évitant en cela de nous saper le moral. Il choisit de se livrer à une acrobatie périlleuse, tel un trapéziste sans filet et nous convainc que derrière le plus grand désarroi se cachent des étincelles de bonheur qui ne cherchent qu’à être ravivées. Il nous livre un récit sur l’incertitude du lendemain, l’instinct de survie dans un monde où la pauvreté et la précarité sont considérées comme des maladies incurables, car elles ne contaminent que les gens de peu, les pas gradés. Un roman qui aurait pu faire sombrer le lecteur dans la sinistrose si Thomas Gunzig s’était borné à nous esquisser un tableau miséricordieux et funeste. À travers ses personnages émouvants et pleins de candeur, il nous invite à suivre leur travail acharné d’écriture, l’élaboration d’un livre, la reconstruction d’un avenir.

L’histoire d’une renaissance et aussi un clin d’œil goguenard au monde littéraire, qui ne gêne pas le moins du monde l’auteur, habitué à jongler avec les exactions.

Un pamphlet social doux-amer que je vous recommande vivement…

Feel Good, par Thomas Gunzig, éd. Au Diable Vauvert

Date de parution : 22/8/2019