Vous le savez, le monde entier le sait : Mimine aime Clémentine Beauvais (les preuves : par-ci, par-là et encore là).
Alors quand les éditions Sarbacane ont décidé de rééditer son premier roman, y a eu que Mimine a fait les yeux du collectionneur, les doigts frétillants à l'idée de lire et d'acquérir ce nouvel objet à poser dans sa bibliothèque. Car il était IM-PEN-SABLE, entendez bien, de ne pas découvrir ce tout premier roman de la toute jeune Clémentine à l'époque (23 ans... 23 ANS LES GENS ! A cet âge, moi, j'étais encore à faire des tricots avec les peluches de mon nombril).
Bref.
Aussitôt reçu. Aussitôt lu.
Et je vous en parle
Là-bas, au prestigieux lycée Henri IV à Paris, les élèves, ses petites têtes blondes, sages comme des images, sont plongés jusqu'au cou à la course des bonnes notes et à la construction de leur avenir brillant pour faire plaisir à papa et maman. Et puis, fuiittt... ça va riper, le petit grain dans la machin à coudre : Léopoldine, la superbe et gracieuse et parfaite Léopoldine rompt avec Timothée, le beau et athlétique et parfait Timothée. Et de dépit et de rage, le jeune éphèbe envoie un mail avec une vidéo compromettante de son ex chère et tendre...
à tout le monde.
Y a un truc qui frappe d'emblée :
le ton.
C'est qu'on n'est plus dans de la golerie à s'en faire péter les amygdales des Petites reines. Ni dans la poésie mélancolique d'un Songe à la douceur.
Ici, on tape dans du noir. Dans une vision de la jeunesse particulièrement cruelle, torturée, amère et cynique. Et c'est... on va pas se mentir, j'en ai été un peu tourneboulée.
Avec Comme des images, ce sont les thèmes du harcèlement et du revenge porn qu'on traverse façon boulets de canon dans la face : le roman est court, concis, il te happe et te harponne dans son filet à la manière d'un thriller corseté, pendant lequel tu es sous tension constante, en apnée, parce que tu sens que ça va péter dans la colle un moment donné.
Simple et efficace.
Mais ce qui m'a plus touchée c'est le portrait sous-jacent de cette jeunesse dorée parisienne qui s'il se pare de la cruauté des adolescents, aborde en réalité la pression sociale et scolaire exercée sur ces pas-tout-à-fait-adultes déjà durement mis à l'épreuve, à leur âge. Formatés tels de parfaits petits soldats à la compétition, à la course aux notes et à la réussite comme pour mieux appréhender le marché du travail qui les attend, ces ados, en apprenant vite à mettre de côté leurs scrupules et leur humanité, en oublient leur propre fragilité, cadenassant leurs failles jusqu'au plus profond d'eux-mêmes.
Ce qui aura des conséquences désastreuses...
Sous cette noirceur globale pas toujours funky, j'ai retrouvé cependant avec un plaisir non dissimulé la grâce, la délicatesse et la pertinence des mots de Clémentine Beauvais qui par leur acuité dépeignent les tourments de l'adolescence comme jamais.
Car c'est à travers l'œil observateur de la narratrice (le meilleur aspect du roman), la meilleure amie de Léopoldine, pour qui elle voue une loyauté et une admiration sans borne, que se raconte toute cette histoire. Un œil cynique et caustique dont on ne connaîtra jamais le nom qui décrypte et analyse son environnement avec toute l'ambiguïté du personnage-type " meilleure amie de la fille sublime mais en réalité bouche-trou fade et moquée ".
Seulement voilà, même si j'ai été bluffée par la maîtrise de l'œuvre (c'est du Beauvais, donc bon c'est jamais de la bouzasse les copains, qu'on se rassure), j'ai un peu regretté quelques broutillasses dans le potage :
- un manque de nuance dans l'écriture qui parfois frise un scepticisme absolu sur l'adolescence et c'est un peu dommage. L'autrice l'avoue elle-même dans la préface de cette nouvelle édition : elle y était allée fort quand même avec ce roman qui reflétait un état d'esprit plus jeune et plus amer que maintenant ;
- certains arcs narratifs apparaissent un peu tard que j'aurais aimés voir plus exploités, plus développés (notamment avec le personnage de la jumelle de Léopoldine et l'enjeu de la narratrice qui reste au final une ombre de bout en bout). L'ensemble finit sur un goût d'inachevé, de " ah il manque un truc là " un peu frustrant. Si c'est inattendu par bien des aspects, la fin est un peu tirée par les cheveux et je dois vous l'avouer je n'ai pas bien tout pané.
qu'avec ce premier roman, j'ai été témoin de l'évolution, dans l'écriture et la maturité, d'une autrice que j'admire beaucoup. Et ça c'est plutôt atypique dans le genre je commence à l'envers. Si le roman a été au final bingereadé en une soirée sous le plaid, l'expérience a été surtout déroutante. Je crois que finalement je préfère la Clémentine Beauvais actuelle, plus optimiste sur le monde et la jeunesse certes, mais surtout qui a acquis au fil des années une écriture plus nuancée et plus fine.