"Je vais donc bâtir ici une histoire de ma vie. Sa partie visible, je le sais mieux que personne, est la moins spectaculaire, la plus terne des vies, la vie qui correspond à mon visage effacé, à mon caractère distant, à mon insignifiance et à mon manque d'avenir. Une allumette presque entièrement consumée, dont ne reste qu'une traînée de cendre blanchâtre."
Depuis fin août j’ai lu une dizaine de romans de la rentrée et en dehors de Jean-Paul Dubois, rien ne m’a véritablement fait grimper aux rideaux. Du moins avant Solénoïde. Parce que soyons clair et ne tournons pas autour du pot, ce pavé est un chef-d’œuvre comme je n’en ai pas lu depuis très, très longtemps. Un truc incroyable qui semble être passé sous les radars. Franchement, si les prix d’automne étaient vraiment littéraires, ce roman ferait forcément partie de toutes les sélections.
Pourtant à première vue, rien de clinquant. Déjà, la couverture quasi illisible n’attire pas l’œil pour deux ronds mais c’est encore pire une fois le livre ouvert tant la police de caractère riquiqui et les interlignes hyper serrés achèvent de convaincre que la lecture des quelques 800 pages risque d’être un long chemin de croix.
Il serait pourtant dommage (voire impardonnable) de s’arrêter à ces détails peu engageants. Parce que Solénoïde touche au sublime avec son narrateur écrivain refoulé devenu malgré lui un pauvre prof de lettres dans un minable établissement de Bucarest où ses minables élèves n’ont rien d’autres que leurs poux à partager. A vingt ans, il croyait dur comme fer que les portes de la gloire s’ouvriraient en grand devant son incommensurable talent. Persuadé de remporter haut la main le prestigieux concours littéraire de son université, il fut englouti sous la sévérité des critiques infligées par un jury cinglant. Une désillusion dont il ne se remettra jamais vraiment, pour notre plus grand bonheur.
Solénoïde est un livre incroyable, journal halluciné d’un gars hallucinant (ou l’inverse) qui lorgne du côté de Kafka et Borges. Un livre brillant, agaçant, enthousiasmant, désespérant. Tour à tour métaphysique, sensuel, surréaliste, pathétique, hilarant. Pénible par moment, souffrant de rares longueurs, mais traversé la plupart du temps par des fulgurances qui laissent sur le carreau et, cerise sur le gâteau, porté par une traduction exceptionnelle.
Je ne vais pas m'étendre davantage, si ce n'est pour insister sur le fait que c'est un roman monumental, de ceux que l’on croise rarement dans une vie de lecteur. Certes il ne se donne pas facilement, il réclame une attention et une concentration dignes de son ambitieuse construction mais au final les efforts fournis sont grandement récompensés. Pour moi c’est LA grosse claque de l’année. Des dernières années même, soyons fou.
Solénoïde de Mircea Cartarescu (traduit du roumain par Laure Hinckel). Édition Noir sur Blanc, 2019. 790 pages. 27,00 euros.
Depuis fin août j’ai lu une dizaine de romans de la rentrée et en dehors de Jean-Paul Dubois, rien ne m’a véritablement fait grimper aux rideaux. Du moins avant Solénoïde. Parce que soyons clair et ne tournons pas autour du pot, ce pavé est un chef-d’œuvre comme je n’en ai pas lu depuis très, très longtemps. Un truc incroyable qui semble être passé sous les radars. Franchement, si les prix d’automne étaient vraiment littéraires, ce roman ferait forcément partie de toutes les sélections.
Pourtant à première vue, rien de clinquant. Déjà, la couverture quasi illisible n’attire pas l’œil pour deux ronds mais c’est encore pire une fois le livre ouvert tant la police de caractère riquiqui et les interlignes hyper serrés achèvent de convaincre que la lecture des quelques 800 pages risque d’être un long chemin de croix.
Il serait pourtant dommage (voire impardonnable) de s’arrêter à ces détails peu engageants. Parce que Solénoïde touche au sublime avec son narrateur écrivain refoulé devenu malgré lui un pauvre prof de lettres dans un minable établissement de Bucarest où ses minables élèves n’ont rien d’autres que leurs poux à partager. A vingt ans, il croyait dur comme fer que les portes de la gloire s’ouvriraient en grand devant son incommensurable talent. Persuadé de remporter haut la main le prestigieux concours littéraire de son université, il fut englouti sous la sévérité des critiques infligées par un jury cinglant. Une désillusion dont il ne se remettra jamais vraiment, pour notre plus grand bonheur.
Solénoïde est un livre incroyable, journal halluciné d’un gars hallucinant (ou l’inverse) qui lorgne du côté de Kafka et Borges. Un livre brillant, agaçant, enthousiasmant, désespérant. Tour à tour métaphysique, sensuel, surréaliste, pathétique, hilarant. Pénible par moment, souffrant de rares longueurs, mais traversé la plupart du temps par des fulgurances qui laissent sur le carreau et, cerise sur le gâteau, porté par une traduction exceptionnelle.
Je ne vais pas m'étendre davantage, si ce n'est pour insister sur le fait que c'est un roman monumental, de ceux que l’on croise rarement dans une vie de lecteur. Certes il ne se donne pas facilement, il réclame une attention et une concentration dignes de son ambitieuse construction mais au final les efforts fournis sont grandement récompensés. Pour moi c’est LA grosse claque de l’année. Des dernières années même, soyons fou.
Solénoïde de Mircea Cartarescu (traduit du roumain par Laure Hinckel). Édition Noir sur Blanc, 2019. 790 pages. 27,00 euros.