Derrière chaque grand homme se cache toujours une femme. Derrière un monstre sacré de la littérature comme Émile Zola, il n'est pas surprenant d'en trouver deux. Certes il ne s'agit pas là d'une apologie de la polygamie ou de la tromperie conjugale, tout simplement c'est une existence prise dans ses méandres et rebondissements amoureux, une autre manière de voir l'auteur des Rougon-Macquart. Par ailleurs bien plus passionnante et pertinente que s'il s'était agi banalement d'une biographie en bande dessinée. Meliane Marcaggi réussit le tour de force de nous intéresser à Zola uniquement à travers le prisme de ses relations sentimentales. J'admets que les premières pages m'avait laissé un peu froid, mais au fur et à mesure que l'histoire progresse, on finit par être totalement emballés par ce récit aux racines puissamment humaines, où Émile Zola devient quasiment un personnage secondaire, ou tout du moins laisse le devant de la scène à la figure de ses compagnes. Alexandrine Meley, la première, est née dans un milieu si modeste que la famille d'Emile a bien du mal à l'accepter. Sa formation intellectuelle est assez limitée pour frayer parmi les compagnons de son mari, il va lui falloir faire preuve de persévérance et d'ingéniosité pour être acceptée par la "bonne société des lettres et des arts"... encore que cela restera toujours prétexte à de méchants quolibets, placés au mauvais moment avec perfidie. La seconde femme d'importance pour Zola (Jeanne Rozerot) entre dans la maison familiale comme domestique. Très vite, sa fraîcheur et sa candeur séduisent l'écrivain, dont la femme s'est depuis quelques temps épaissie, elle qui souffre de ne plus pouvoir enfanter. La vie de couple des Zola semble ronronner, pour ne pas dire s'éffilocher. Émile aussi s'est empâté et a vieilli, et il est désormais devenu une sorte de grand bourgeois à la plume acérée. Le poète "italien" reste source de polémiques et de railleries, d'admiration et de jalousies. Comme l'a bien compris Alexandrine, toujours combative et inspirée, l'important est d'entretenir la légende, de faire parler de soi. La femme de l'auteur est véritablement un puit de dévotion, et toute son existence, depuis sa rencontre avec Emile, est consacrée à l'édification d'une carrière exceptionnelle, qui connaît son apogée, alors que le mari a depuis longtemps plongé dans les affres et délices d'une double vie.
On imagine le drame intime que cela a pu être pour la femme d'Émile Zola, d'apprendre que ce dernier avait déjà deux enfants illégitimes, qu'il entretenait dans un meublé, en toute discrétion. Inutile de dire il y a de quoi en devenir folle. Mais derrière la douleur se cache aussi la grandeur d'une âme capable par la suite d'accepter l'évidence et de rester malgré tout au côté de son époux, tout en rencontrant puis en chérissant la progéniture secrète du mari volage. L'album se termine avec des allusions à l'affaire Dreyfus et bien entendu à la mort de l'écrivain, qui reste toujours enveloppée de soupçons d'assassinat. Les dessins d'Alice Chemama sont particulièrement jolis avec de belles aquarelles réalistes aux couleurs lumineuses, qui s'assombrissent lorsque vient le moment de raconter le passé de la femme de Zola, à travers un long flash-back poignant. Que ce soient les déjeuners sur l'herbe en compagnie de Manet, ou la frénésie de la vie parisienne de la fin du dix-huitième, l'ensemble est toujours dépeint avec un mélange de réalisme attentif aux détails, et une puissance d'évocation subtile qui laisse au lecteur la possibilité de s'emparer des atmosphères, des émotions, pour les faire siennes. Tout ceci s'accorde très bien avec la sensibilité de Marcaggi, qui raconte son histoire sans porter de jugement ou sombrer dans le coup d'éclat à sensation, mais reste attentive à la dimension humaine, avec brio. Alexandrine et Jeanne sont les grandes dames de cet album, sans pour autant que leur Emile Zola en soit rabaissé, amoindri. Assurément une découverte que nous vous proposons en alternative à ces chers superhéros dont nous parlons ici même (presque) quotidiennement.
Pour découvrir Les Zola chez Dargaud
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On imagine le drame intime que cela a pu être pour la femme d'Émile Zola, d'apprendre que ce dernier avait déjà deux enfants illégitimes, qu'il entretenait dans un meublé, en toute discrétion. Inutile de dire il y a de quoi en devenir folle. Mais derrière la douleur se cache aussi la grandeur d'une âme capable par la suite d'accepter l'évidence et de rester malgré tout au côté de son époux, tout en rencontrant puis en chérissant la progéniture secrète du mari volage. L'album se termine avec des allusions à l'affaire Dreyfus et bien entendu à la mort de l'écrivain, qui reste toujours enveloppée de soupçons d'assassinat. Les dessins d'Alice Chemama sont particulièrement jolis avec de belles aquarelles réalistes aux couleurs lumineuses, qui s'assombrissent lorsque vient le moment de raconter le passé de la femme de Zola, à travers un long flash-back poignant. Que ce soient les déjeuners sur l'herbe en compagnie de Manet, ou la frénésie de la vie parisienne de la fin du dix-huitième, l'ensemble est toujours dépeint avec un mélange de réalisme attentif aux détails, et une puissance d'évocation subtile qui laisse au lecteur la possibilité de s'emparer des atmosphères, des émotions, pour les faire siennes. Tout ceci s'accorde très bien avec la sensibilité de Marcaggi, qui raconte son histoire sans porter de jugement ou sombrer dans le coup d'éclat à sensation, mais reste attentive à la dimension humaine, avec brio. Alexandrine et Jeanne sont les grandes dames de cet album, sans pour autant que leur Emile Zola en soit rabaissé, amoindri. Assurément une découverte que nous vous proposons en alternative à ces chers superhéros dont nous parlons ici même (presque) quotidiennement.
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