@tassadanslesmyriades
Eh oui, ça y est, c'est acté, signé, je suis doctorante en histoire, et je n'en ai encore pas du tout parlé sur ce blog. Je sais que je n'ai pas grand choses à dire du point de vue méthodologique mais j'ai pas mal de trucs à dire sur tout ce qu'il y a autour de cette entrée pas du tout fracassante dans un milieu quasi idéalisé : le fameux milieu académique.
Comme là non plus je n'ai pas encore beaucoup de choses à dire, je voulais faire un point utile sur ces choses auxquelles je n'avais pas songé avant d'entrer dans ma première année de doctorat :
1. Je n'avais pas pensé qu'il fallait apprendre à ne pas stresser dès les premiers joursOui parce que vu le nombre de papiers qu'il faut fournir, produire, faire signer, contre signer, envoyer par courrier, par mail, par chevaux ailés, il est certain que je me suis perdue à un moment donné. J'ai même cru certaines saintes journées qu'il fallait que je fasse signer mes dossiers par le Pape en personne.
Pourquoi j'ai stressé alors que je ne stresse pas énormément d'habitude ? C'est parce qu'il fallait mettre en branle toute la hiérarchie de l'université entière et demander beaucoup d'aide finalement pour quelques papiers. En gros, il faut commencer à travailler sur son dossier de thèse en amont : c'est-à-dire en début de Master (autant dire quand vous êtes encore nourrisson à lécher des cailloux).
Donc, en Master 1, après avoir eu de bons encouragements, j'ai d'abord décidé de continuer sur le même thème de recherche en Master 2. Car oui, un master 1 et un master 2 où les deux mémoires sont cohérents et forment un ensemble ont plus de chance de vous aider pour faire une thèse et obtenir un financement. En début de Master 2, il a fallu " démarcher" un directeur de thèse, oui oui c'est bien cela qu'on fait, on devient presque marchand de tapis : on met le pied dans la porte afin que le client potentiel ne puisse pas la refermer avant d'avoir entendu vos arguments : ils sont beaux mes tapis, ils sont beaux !
Conseil : réécrivez un C.V. à jour, dans le style académique.
En gros, si vos encadrants de Master vous plaisent, vous leur demandez si cela les intéresse de vous suivre en thèse. L'un de mes encadrants fut franc du collier : si je veux faire une thèse il me faut un concours pour rebondir après le doctorat. En gros : fais gaffe au chômage qui te pend au nez ma petite ! Le concours pour moi a été une révélation, mais j'ai surtout compris que le directeur de thèse s'en fiche de ton avenir, ce qu'il veut c'est tester tes limites et tes capacités; or, en France, quoi de plus compétitif qu'un concours ? On m'a donc demandé de passer le CAPES et l'agrégation dans la spécialité dans laquelle je voulais faire mes preuves en thèse.
Je me suis demandé : est-ce que faire un master 2 + un mémoire de Master 2 + préparer un concours : est-ce intelligent, ne vais-je pas faire une crise d'apoplexie dans un escalier, seule, au milieu d'une nuit sans lune ? En vérité, j'aurais pu passer et le concours de CAPES et de l'agrégation en M2 mais j'ai choisi de passer uniquement le Capes d'histoire géographie pour commencer. Pour des raisons personnelles, je ne me sentais pas capable de fournir assez d'énergie pour les deux concours.
3. Je n'avais pas pensé gober tant de connaissances en 2 années de préparation aux concoursBref. Je l'ai eu ce foutu CAPES. Béni soit-il. Et même un 19/20 à mon mémoire de Master 2. Forte de mes expériences, j'ai entamé un processus long d'un an, pour préparer mon dossier de thèse ET le concours de l'agrégation. Une sorte de course de fond où la plénitude intérieure est essentielle : en gros, beaucoup de solitude dans tous ces préparatifs (autonomie primordiale).
Comment faire pour ingurgiter autant de connaissances pour réussir le concours et le master ? Je n'ai pas de réponses formelles. Mais j'ai réussi à trouver une passion pour chaque sujet d'étude et à rendre mon apprentissage très personnel et non pas déshumanisé. J'ai aussi pratiqué un truc qui fonctionne bien : l'hypnose et la visualisation positive. Cela permet d'enlever le stress et de se projeter à l'avenir de manière constructive et optimiste, même en cas d'échec.
Dernier conseil : on supprime Netflix et compagnie. On consomme des films et des séries en rapport avec les sujets d'étude. On assiste à des oraux et on y participe si possible. On essaye de choper des corrections de sujets blancs du CAPES. On essaye de passer des concours blancs si possible (ce ne fut pas mon cas car j'étais en candidate libre sans préparation). Et enfin, on pratique une activité créative ou sportive pour se changer les idées (yoga, peinture, marche à pied...)
C'est quoi un dossier de thèse ? En le travaillant tout un été après la soutenance de mon mémoire, j'ai réfléchi. J'ai rassemblé dans un mémo tous les sujets qui me plaisaient : des sujets en rapport avec la spécialité développée dans mes mémoires, of course Sherlock ! Elémentaire mon cher Watson. Ensuite il faut recommencer une sorte d'état de l'art, et de recension d'ouvrages, travaux, recherches, articles sur le sujet. Je vous conseille d'ailleurs de tout noter et de garder toutes les références au propre. Forcez-vous à être curieux de tout, les choses trouvées par hasard sont bonnes à prendre aussi, et les conseils également.
Puis, j'ai fait, par intuition, une sorte de "pour et contre" à chaque sujet que j'avais en tête. A chaque fois, je mettais les limites de la recherche (par exemple, telle recherche m'aurait amenée à devoir voyager trop souvent, telle recherche m'aurait amenée à étudier trop de textes en latin, etc.) en fonction de mes propres compétences personnelles et aussi de celles que j'ai envie d'acquérir au cours de ma thèse. Car on ne va pas se le cacher, en doctorat on est à la fois contractuel(le), semi professionnel(le), chercheur(se) ET étudiant(e). Donc on est encore libre d'apprendre ce que l'on veut.
J'ai soumis mon dossier de thèse d'une trentaine de pages comprenant une bibliographie vers la fin décembre et puis en février tout s'est mis en branle car il faut participer à un genre de concours qui permet d'obtenir un financement (ministériel par exemple). Pendant trois mois, j'ai dû réécrire mon projet de thèse sur 2 pages puis sur 1 seule page. J'ai dû le réécrire plus de 8 fois. Je devenais folle. Mes deux directeurs de recherche voulaient quelque chose de parfait et assumant une recherche et un point de vue personnels, et non pas un truc qui dit "alors selon Machin qui a fait ceci et Truc qui a fait cela, nous étudierons Bidule en fonction des analyses de Bidule Truc, car il fait autorité en la matière".
De plus, il faut rendre son sujet ' sexy' pour des types de l'université et du monde de la recherche et pas Jean-Mich' du bar PMU, (bien que si Jean-Mich du bar PMU comprend ta thèse, alors c'est peut-être que ton sujet est réussi).
5. Je ne savais pas que je penserais de nouveau à tout abandonnerAvec tout ça, pendant une année entière, j'ai bien senti la pression. Vous allez me dire que j'éxagère, que je savais bien que je serais finalement prise. L'attente pour connaître le résultat à cette espèce de concours de thèse pour savoir si j'étais financée ou non fut longue. J'ai pensé que si je ne l'avais point j'abandonnerai tout car cela coûtait bien trop cher de m'engager dans quatre années (thèse de sciences humaines hein), de labeur invisibilisé par le manque de reconnaissance et en plus sans financement.
Bon. J'ai eu le financement au cours de l'été. J'ai pu donc passer de bonnes vacances.
6. Je pensais bien gérer mon organisation mais non, en faitJe pensais être super MEGA organisée mais pour ce début de doctorat j'ai oublié pas mal de chose : ma santé, haha, mais aussi certaines choses administratives essentielles. Je conseille donc d'avoir un agenda, le mien est sur le cloud (en ligne) donc synchronisé sur mon ordinateur, mon téléphone et disponible à partir de n'importe où n'importe quand. Comme ça je n'oublie plus grand chose même si je suis en Patagonie septentrionale.
Pour les premiers mois je conseille aussi d'écouter les autres, les témoignages, pour prendre des repères sur l'attitude à avoir. Ne pas se déboussoler s'il n'y a pas de réponses de vos encadrants ou de votre hiérarchie et se déplacer en personne avec la paperasse et forcer les portes si nécessaire. Faire les choses soi-même.
Scannez tous vos papiers importants en amont, car vous en aurez besoin peut-être 3 ou 4 fois au cours des démarches de candidature, puis d'inscription, puis d'enregistrement de la thèse, etc., surtout si vous êtes en déplacement à droite ou à gauche vous aurez vos papiers sur vous comme ça (hé oui, il faut tout renvoyer à divers organismes : université, (votre employeur), l'école doctorale, vos directeurs de thèse, le ministère qui gère les bourses, le service des ressources humaines, etc.)
Je conseille aussi d'assister à des séances pour gérer l'administratif, le stress, le travail si cela est possible dans votre université ou ailleurs (dans les livres aussi). Renseignez-vous sur toutes les closes de votre contrat de travail et vos droits ainsi que les moyens financiers et aides financières disponibles dès les premières semaines (aide à la mobilité à voir en amont, inscription à des formations pédagogiques importantes, ou mission d'enseignement à demander bien avant la rentrée, par exemple).
Ce qui fut mon cas, car j'avais oublié que j'étais dans l'obligation d'enseigner (à cause de mon CAPES). La rentrée étant passée, j'ai envoyé ma demande avec un mois de retard et j'ai obtenu une charge de cours de justesse au second semestre.
Enfin, je conseille de prendre du temps pour soi et de ne pas vous laisser envahir dès le départ et de ne pas vous laisser impressionner par une fausse image de votre laboratoire d'intégration. Après tout, vous entrez tout de même dans le monde du travail.
Et rappelez-vous : le meilleur est à venir !
J'espère que ce premier billet Parle à ma thèse vous a plu !