Qu’il est beau ce petit roman, mais qu’il est beau ! Il ne s’y passe pas grand-chose, le temps s’écoule lentement, le père et le fils semblent vivre dans deux mondes parallèles. Chacun est incapable de faire le premier pas. Lucas ne comprend pas son paternel. Son mode de vie, la monotonie d’un quotidien plan-plan, le travail pourri à l’usine. « Je ne savais pas ce que ça allait être, ma vie. Mais je voulais pas de la sienne. Ça me rendait tellement en colère, je crois, que mon père ne soit pas un héros ». Et puis il y a son indifférence qui saute aux yeux. Jamais il ne s’intéresse à ce que fait son fils, jamais il ne le questionne sur les cours, les amis, les loisirs. Lucas a l’impression qu’au fil du temps un mur s’est dressé entre eux, un mur incontournable et impossible à abattre.
Le face à face est davantage dans l’évitement que dans l’affrontement, sans violence ni tension. C’est l’incompréhension et la tristesse qui dominent, l’impression de ne pas savoir s’y prendre. La force de Madeline Roth est de dévoiler par petites touches les premières fissures dans le mur, de laisser entrer un filet de lumière sous la porte du chalet d’alpage, de réduire la distance. Au coin du feu les langues se délient un peu, le silence perd en épaisseur, les rapports se réchauffent en douceur.
C’est beau parce que c’est fragile et tout en retenue. Entre père et fils, le fil se renoue avec finesse et simplicité. Pas de grand discours ni de démonstration affective, tout se joue avec une sensibilité qui touche en plein cœur. Une incontestable pépite !
Mon père des montagnes de Madeline Roth. Rouergue, 2019. 75 pages. 9,00 euros. A partir de 13 ans.