Il est vrai qu'à force de noyer l'offre (avez-vous vu le nombre de sorties mensuelles, entre kiosque et librairie, tous éditeurs confondus? Il faudrait contracter un pêt bancaire chaque trimestre pour s'en sortir...) on finit par perdre de vue l'exceptionnalité, le sentiment d'avoir entre les mains quelque chose de précieux, qui défie la routine, qui échappe à l'ordinaire. Et qui existe en dehors de toute idée de spoiler, à l'ère d'Internet où nous savons déjà comment se terminent les sagas en cours, avant d'avoir commencé à les lire. Strange, c'était tout cela. Une présentation anarchique, un savoir faire artisanal au service d'un univers super héroïque qui n'avait encore que 15/20 ans d'histoires derrière lui, et pouvait surprendre, innover, dérouter, dans une société où le merveilleux n'était pas encore derrière chaque porte, avec une surenchère permanente dans le coup d'éclat, la violence, le marketing, l'esbroufe. Strange c'est un peu la période punk des comics, celles des fiches détachables en guise d'encyclopédie majeure, des couvertures magnifiques de Frisano, qui feront l'objet d'une exposition fort attendue au prochain festival d'Angouleme. Strange, c'est ce passé forcément revisité et magnifié, alors qu'il n'est pas aussi reluisant que cela, mais qui n'a rien à envier à notre présent, où abondance et modernité ne signifient pas toujours félicité. Si j'aime et apprécie grandement ce qu'est l'offre et la variété impensable ces jours-ci, en terme de comics, j'ai aussi la certitude d'avoir commencé quand il le fallait, la bénédiction d'avoir passé mes toutes jeunes années avec le tisseur de toile et tête de fer, plutôt qu'avec Fortnite.
Revivez la grande époque, avec Nos années Strange
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