Ali Smith n'est pas une inconnue pour moi. Si j'ai déjà rapidement feuilleté Hôtel Univers et Le fait est, je n'ai jamais sauté le pas. Quelque chose d'intimidant se dégage de ses mots. Depuis que j'ai entendu parler d ' Automne chez Electra, je me suis dit que j'allais le lire .
J'ai donc lu Automne! Même que je l'ai lu d'une seule traite, en un dimanche après-midi d'automne. Je te mentirais si je te disais que j'ai tout compris. Mais la musicalité des mots m'a retenue.
repose sur la relation entretenue par Daniel Gluck et Elisabeth Demand. Daniel, 101 ans, dort comme une bûche dans le lit de la maison de retraite où il va mourir. Elisabeth, jeune trentenaire chargée de cours en histoire de l'art, vient lui rendre visite et lui faire la lecture. Cette amitié ne date pas d'hier. Ils étaient voisins, dans le temps. Même si la mère d'Elisabeth a toujours trouvé suspect qu'un vieil homme s'intéresse à sa gamine, elle n'a jamais vraiment mis le holà. De toute façon, Elisabeth, avec son caractère bien trempé, aurait passé outre à ses interdictions.
"Bonjour, dit-il. Tu lis quoi?" C'est toujours ainsi que Daniel accueille Elisabeth. Parce que, selon le vieil homme, "il faut toujours être en train de lire [...] Même quand on ne lit pas réellement. Sinon, comment lirions-nous le monde ?".
.) Loin de tout traditionalisme, Automne ouvre ses tiroirs sur le passé et le présent, sur les souvenirs et les réflexions. Certains passages m 'ont semblé tellement abstraits, voire hermétiques. J ' aurais peut-être dû fumer un peu de weed? (Surtout pas! Les rares fois où j ' ai fumé , je suis tombée comme une bûche un collage composé de passages tantôt réalistes, tantôt surréalistes. C ' est déroutant, comme lecture. J ' ai tellement forcé la note en fronçant les sourcils que je me suis méritée deux nouvelles rides. Automne ressemble à
On dit d'Aussi, plus qu'un roman politique, je vois dans Automne qu'il s'agit du premier roman post-Brexit. N'ayant pas une connaissance assez approfondie de la politique anglaise, j 'ai l ' impression d ' en avoir perdu quelques bouts et de ne pas avoir saisi toutes les références (le scandale Profumo, par exemple). J ' ai au moins compris que l es tentatives (hilarantes) d'Elisabeth pour renouveler son passeport démontraient bien tout le côté kafkaïen de la bureaucratie anglaise. une réflexion empreinte de mélancolie sur l'art et la littérature, le passage du temps, l'amour et l'affection. Automne
J ' ai découvert entre ces pages l 'existence de Pauline Boty, l'une des seules artistes du Pop art. Cette peintre féministe traverse à sa façon la vie d'Elisabeth (elle en fait le sujet de sa thèse) et de Daniel (il lui vouait un amour non partagé). Son travail est plutôt fascinant, sans parler de sa vie.
Voilà un roman qui se mérite. Un roman qui m ' a fortement marquée, mais dont je serais bien en peine d ' expliquer pourquoi. Comme si, ici, tout était pour moi une question d ' atmosphère; tsé, comme si je marchais dans le brouillard. Impossible de bien voir ce qui m ' entoure. Mais comme j ' adore le brouillard ... Tu vois le genre?! Chose certaine, je compte bien le relire un jour, ce roman. Et puis, j 'attends la suite avec une autre saison.
Ali Smith, trad. Laetitia Devaux, Grasset, 240 pages, 2019.