La Passagère du Saint-Louis de Armando Lucas Correa,
Publié aux éditions Presses de la Cité,
Berlin, 1939. Avant que l'Europe plonge dans le chaos, Hannah Rosenthal, douze ans, avait une vie de rêve. A présent, après avoir vu de menaçants drapeaux envahir les rues et assisté à la longue descente aux enfers des siens, elle erre en ville en compagnie de son ami Leo. Survivant tant bien que mal, les deux adolescents et leurs familles cherchent à quitter le Reich par tous les moyens. L'espoir renaît bientôt sous la forme du Saint-Louis, un paquebot transatlantique faisant route vers Cuba, sur lequel ils embarquent, avec de nombreux autres juifs.
Mais, au fil de la traversée, les portes se ferment les unes après les autres au nez des exilés, et Hannah comprend que le navire auquel ils doivent leur salut pourrait bien les conduire à leur perte... New York, 2014. Le jour de son douzième anniversaire, Anna Rosen reçoit un paquet en provenance de Cuba, dont le contenu la pousse à se rendre à La Havane...
Ce roman est inspirée d'une histoire vraie et terrible. En 1939, des centaines de Juifs allemands ont été priés de quitter Berlin pour s'exiler aux USA. Le paquebot devait passer par Cuba, première étape de leur long voyage. Or le président cubain refusa d'accueillir ces juifs. Les USA et le Canada firent de même. Le paquebot rentra en Europe. Nombre de ces juifs furent déportés et exterminés par les nazis. Armando Lucas Correa s'inspire de cette tragédie pour construire une intrigue en deux temps. Il y a d'abord les chapitres qui se déroulent en 1939. Hannah a douze ans. Elle est juive. Son monde s'écroule lorsqu'elle doit fuir Berlin et s'embarquer sur le Saint-Louis pour s'exiler à Cuba. Elle nous raconte d'abord sa vie à Berlin au début de la guerre. L'exclusion, le rejet, les insultes puis la fuite. Ce sont des chapitres déchirants qui montrent la détresse d'une enfant qui peine à saisir pourquoi, d'un seul coup, ses voisins la fuient et la traitent de vermine. En 2014, à New-York, Anna, douze ans aussi, vit avec sa mère. Un jour, elle reçoit une lettre de Cuba. C'est sa grand-tante Hannah qui lui a écrit pour lui raconter son passé et lui parler de son père, trop tôt disparu. Anna et sa mère se rendent à Cuba pour découvrir un passé terrible. Les chapitres vont donc s'alterner sans cesse. J'ai bien sûr préféré les chapitres se déroulant en 1939 car on suit Hannah d'abord à Berlin puis sur la paquebot. Comme une tragédie, les pièces se mettent en place une par une de façon irrémédiable. L'auteur même savamment la petite histoire à la grande pour éclairer cette tragédie humaine. Le voyage sur la Saint-Louis m'a beaucoup fait penser à l'intrigue du film Titanic. On imagine le faste des cabines, les soirées, les ponts sur lesquels déambulent les couples fortunés et ce bateau qui vogue vers sa perte. On suivra, plus tard, l'exil forcé d'Hannah et de sa mère à Cuba, une île qu'elles n'ont pas choisie, sur laquelle elles se retrouvent seules, livrées à elle-même. Au-delà leur malheur personnel, le roman apporte une réflexion sur la question de l'exil, sur la douleur intime qu'il suscite. J'ai un peu moins aimé les chapitres consacrés à la petite Anna de 2014 et c'est normal. Son histoire reste émouvante bien sûr mais au regard de ce qu'a vécu sa grand-tante, c'est tout autre chose. En revanche, j'ai aimé découvrir la ville de La Havane à travers ses yeux d'enfant américaine. Au final, l'auteur nous offre un beau roman émouvant sur un fait historique encore peu connu. Une très belle découverte.