Les grands cerfs

Les grands cerfs

Les grands cerfs - Claudie Hunzinger

Grasset (2019)
La narratrice, Pamina, vit dans les Vosges, en pleine montagne avec son compagnon, loin de tout, en harmonie avec la nature. Elle sait qu’il y a de nombreux cerfs tapis autour d’eux, elle voit les traces de leur présence, selon les saisons. Mais elle ne les a jamais surpris jusqu’à ce que Léo, un photographe animalier, vienne installer une cabane d’affût à proximité de chez elle. Grâce à lui, elle va apprendre à observer, à reconnaitre les différents individus, elle va tout savoir sur leurs modes de vie, sur la pousse des bois, leur chute inexorable chaque année. Elle va connaître la peur des longues nuits, immobile dans le froid. Et puis elle va découvrir aussi la cruauté des hommes, ceux qui s’intéressent aux cerfs pour mieux les éliminer.
La première fois que j’ai entendu parler de Claudie Hunzinger, c’était grâce à mon amie Annie L., qui avait adoré son livre Bambois, la vie verte, il y a plus de quarante ans ! Une histoire d’amour et de retour à la terre, où déjà l’harmonie avec la nature était un choix sans concession.
Lorsque j’ai entendu l’émission de rentrée de Laure Adler, L’heure bleue du 26 août, j’ai eu la surprise de découvrir que son invitée était Claudie Hunzinger, dont le nouveau livre paraissait aux éditions Grasset en cette rentrée littéraire.
Comme dans Bambois, ici aussi on plonge en pleine nature. J’ai retrouvé avec plaisir le style de Claudie Hunzinger, sa poésie, sa simplicité et parfois son lyrisme. J’ai aimé sa précision au sujet de la vie des cerfs, c’est un vrai documentaire animalier, qui se lit comme un roman, à moins que ce ne soit l’inverse !
Extrait page 86-87 :
Fin février. J’étais à l’affut dans la neige jusqu’aux genoux, raide de froid sous un lainage blanc tailladé d’encoches, à deux pas du clan au loin, couché, de son assemblée d’exégètes. Puis la neige haute a encore une fois tout recouvert. Plus rien ne surnageait. Affamé, le clan commençait à écorcer les fûts des tilleuls, les fûts des châtaigniers, les bosquets des noisetiers. Au réveil, un matin, nous avons découvert que nos bambous de l’étang avaient été broutés. Notre houx, taillé. Le lierre du hangar, rasé. Tout, de notre potager, dont les choux de Russie et les rosiers, liquidé. Ils étaient entrés. Crevasses de leurs sabots. Pastilles noires de fumée répandues ici et là et là. Ils y avaient même passé la nuit, à cinq mètres de nos fenêtres. Je l’ai vu aux couches, ils étaient trois. Quand je l’ai raconté au téléphone à Léo, j’ai entendu dans sa voix un sourire secret : « ses » cerfs avaient passé une belle nuit chez moi. C’est peut-être même la seule fois où j’ai surpris chez Léo un sourire, un sourire invisible.
Ils étaient les maîtres des nuits. Quand j’éteignais la lumière, combien de présences attentives ? Présences, dissimulées le jour dans les ronciers, la nuit déployées dans les prairies.
Le 2 mars, dans le grand pré, mais au loin, j’en ai compté sept qui dormaient en lisière. Un 8-cors à petites fourches et un 10 à l’oreille gauche coupée net. Un 10 irrégulier avec empaumure à droite. Un grand qui portait en 10 régulier. Un autre qui portait en 12. Un autre grand qui semblait avoir un double maître andouiller, ce qu’on appelle aussi un surandouiller, chose rare. Et un peu à l’écart, le vieil Apollon. Aucun n’avait perdu ses bois.
Tous portaient encore.
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C'était ma première lecture de la rentrée littéraire automne 2019 !