Le cœur de l’Angleterre de Jonathan Coe

Le cœur de l’Angleterre de Jonathan CoeLe cœur de l’Angleterre

Middle England en version originale

Jonathan Coe

Traduit de l’anglais par Josée Kamoun

Gallimard

Août 2019

548 pages

Quelle maîtrise ! Quel art ! Je retrouve le Jonathan Coe que j’adore, celui de Testament à l’anglaise. Je n’ai toujours pas lu Bienvenue au club et Le cercle fermé mais ça ne m’a pas dérangée du tout pour découvrir ce dernier opus. En revanche, ça m’a fortement incitée à le faire.

Une construction impeccable. Nous suivons une famille (et amis) d’avril 2010 à septembre 2018. Jonathan Coe évoque l’actualité de son pays à travers les péripéties de ses personnages, sans assommer le lecteur de digressions politiques lourdes et ennuyeuses, avec toujours un brin d’humour et des dialogues qui forcent l’admiration (certains auteurs devraient en prendre de la graine !), naturels et justes, éclairants. On sent bien qu’il essaie de comprendre ce qui s’est passé dans son pays, ce « comment en est-on arrivé là ? », qu’il n’a pas une réponse à apporter, mais de multiples, selon la vision de chacun de ses personnages.

L’un est journaliste, l’autre universitaire, un autre écrivain, un moniteur d’auto-école ou encore un clown pour enfants, une étudiante rejetant en bloc la mollesse des gens de gauche, ils sont de tous âges, de tous bords, et échangeant joyeusement sur les thèmes qui font l’actualité, du politiquement correct au racisme ambiant, du Brexit au nationalisme exacerbé.

Si la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques a su fédérer tous ces personnages, ce que l’auteur nous montre dans un chapitre allègre, construit d’une manière très visuelle, (un grand moment du roman), ce qui divisait les anglais n’a pas manqué de surgir à nouveau dès le lendemain.

Très adroitement, Jonathan Coe saute des mois voire une année entre deux chapitres. Et on prend plaisir à retrouver les personnages et savoir ce qu’ils sont devenus, un peu comme lorsqu’on retrouve un ami qu’on n’a pas vu depuis quelques mois et qui nous raconte ce qui lui est arrivé entre temps. On se sent très vite proche des personnages, on aime les côtoyer, les perdre pour mieux les retrouver.

Ce fut un déchirement de reposer ce roman après la dernière page lue. Je m’y sentais tellement bien que j’aurais volontiers avalé quelques centaines de pages supplémentaires.

D’autant plus que Jonathan Coe ne se cantonne pas à l’aspect politique, il pose de vraies questions existentielles, sur le rapport de l’être humain au temps qui passe ou encore sur ce qui fait le ciment du couple.

C’est fort, très fort, c’est intelligent, très intelligent, c’est éminemment romanesque, c’est une réussite incontestable.