Ordinary People. Des gens ordinaires. C’est bien ce dont il est question dans le troisième roman de l’anglo-nigériane Diana Evans. Ordinary People débute en 2008, lors d’une soirée à Brixton pour célébrer l’élection de Barack Obama. Le roman se termine autour de la mort de Michael Jackson, en juin 2009. Entre les deux, on suit le quotidien de deux couples de trentenaires. Deux familles britanniques noires. Melissa et Michael vivent ensemble depuis dix ans. Ils viennent d’avoir un deuxième enfant et d’emménager dans une petite maison du sud de Londres. Ils incarnent l’image du couple parfait. Évidemment, derrière le mur des apparences, la fondation se fissure. Leurs amis Stephanie et Damian, mariés depuis quatorze ans, parents de trois enfants, subissent aussi des turbulences.Dans cette chronique de la vie ordinaire de la classe moyenne bien nantie, Diana Evans se concentre sur les moments de désenchantement de ces «gens ordinaires». Sur l’impression qu’ils ont de se dissoudre dans la vacuité. Tous les hauts et les bas – surtout les bas – de la vie de couple y passent: usure, ambitions déçues, petites lâchetés, ennui, désillusion.La passion, dans sa vérité la plus vraie et la plus féroce, ne fait pas bon ménage avec le dentifrice. Elle n’attend pas qu’on se soit démaquillée et exfoliée. Elle veut de la spontanéité. Elle réclame de l’imprudence. La passion est toujours un peu grossière, et ils étaient trop propres, une fois leurs visages lavés, leurs bouches rafraîchies, les portes, les fenêtres, la cuisinière et les robinets vérifiés pour éviter que la maison ne brûle, n’explose ou ne sombre sous les eaux.
Plusieurs sujets sont abordés, à commencer par la conciliation travail-famille, les crises de panique, la gentrification, l’identité raciale, l’éducation des enfants et l’aliénation du quotidien.
Melissa proférait un profond mépris pour cette activité servile, qui revenait semaine après semaine comme pour vous rappeler la futilité désespérante de l’existence humaine et l’interminable liste des tâches domestiques à accomplir. Faire le ménage n’était ni thérapeutique, ni distrayant, ni stimulant d’un point de vue intellectuel, contrairement aux prétentions de certains. En quoi était-ce gratifiant de se prendre de la poussière en plein visage?Il n’y a pas qu’au sein du couple que ça va mal. Côté cour, ce n’est pas plus réjouissant. La violence des gangs qui s’intensifie, la solitude des personnes âgées, la précarité économique traversent le roman. En cela, ce roman est bien de son temps.Le style de Evans est subtil et perspicace. Les pointes d’humour jaillissent au détour. Le portrait d’ensemble est riche et nuancé. Au final, il se passe bien peu de choses tout au long de ces 400 pages. On est dans un roman de pure atmosphère. Disons que la vie est ainsi faite et quand on sait à quoi s’attendre, on risque moins d’être déçue.J’ai mis deux semaines à lire ce roman de près 400 pages. Ce n’est pas dans mes habitudes de mettre autant de temps. Ça doit signifier quelque chose… En somme, quand on se compare, bien souvent on se console. Et ça me rappelle que je suis plutôt contente d’être en couple avec... moi-même!Le plus grand défi dans la vie est de ne pas mourir avant de mourir.Ordinary People, Diane Evans, trad. Karine Guerre, Globe, 384 pages, 2019.★★★★★