Comme promis, je poursuis cette semaine mon évasion dans le milieu des expos littéraires à la BNF de Paris, avec Ne les laissez pas lire !, cette fois en accès libre et qui intéressera tous les fans de littérature de jeunesse en générale ! Disponible jusqu’au 1er décembre, il est encore temps de s’y rendre !
Petit pitch, de la BNF elle-même, pour vous donner envie : « À l’occasion des 70 ans de la loi du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse, l’exposition Ne les laissez pas lire ! se penche sur l’histoire des livres pour enfants qui, du début du XXe siècle à nos jours, ont suscité débats et polémiques. En quoi cette histoire est-elle révélatrice d’une vision de l’enfance, des tabous d’une société ? Où s’arrête la liberté d’expression en regard des impératifs liés à la protection de l’enfance ? Autant de questions que soulève cette exposition en présentant une centaine de livres interdits, censurés, critiqués, par des particuliers, des institutions, des associations ou des groupes politiques. »
Fervente défenseuse de littérature jeunesse, notamment de laisser une assez grande liberté aux enfants quant à leurs lectures, cette expo était faite pour moi ! Je m’y suis en effet totalement retrouvée, entre savoirs déjà acquis grâce à mes études et ma veille personnelle, et nouvelles visions des choses et anecdotes croustillantes sur le sujet.
L’expo est divisée en quatre parties, pour nous faire comprendre petit à petit l’évolution des mentalités et des possibilités d’édition en ce qui concerne les publications pour la jeunesse :
- – Au temps de l’abbé Bethléem, suivie de la croisade contre les illustrés dans les années 1930, où l’on apprend que la BD Les Pieds Nickelés ne serait que perversion et incitation à la débauche et au crime.
- – La mise en œuvre de la loi de 1949 sur les publications destinées à l’enfance et à la jeunesse, où l’on se rend compte que Jean Roba n’était qu’un tortureur d’animaux (pauvre Bill, obligé de faire l’hélicoptère avec ses oreilles).
- – Après mai 68 : ces livres qui dérangent, où montrer un sexe de garçon ou de fille est satanique !
- – Et aujourd’hui ? Débats de société autour des livres pour enfants au XXIe siècle : Auto-censure des maisons d’éditions et auteur·rices, et débats sur les réseaux sociaux, où l’on se rend compte que cela va parfois trop loin mais qu’en France on est quand même bien loti.
Quatre parties qui sont donc riches d’informations étonnantes, drôles, mais qui mettent aussi parfois en colère. Certaines censures, surtout celles qui ont lieu encore aujourd’hui, vont trop loin (à mon sens) et mettent les auteur·rices, illustrateur·rices et publicateur·rices dans des postures délicates.
Certes, je peux être de mon côté assez virulente quand je trouve qu’un livre publié pour la jeunesse ne devrait pas se retrouver entre de trop jeunes mains. Ainsi, Pourquoi les plus riches sont-ils de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres des éditions La ville brûle, est à mon sens honteux car il est plein de clichés odieux et mène à adopter un certain penchant politique alors qu’il se déclare manuel d’esprit critique. Le dico des filles réédité depuis des années chez Fleurus contient de très nombreux passages sexistes et certaines années des pages étaient clairement homophobes et anti-avortement. On a chopé la puberté a été assez maladroit dans ses propos parfois très sexistes.
Cependant je ne pense pas que tous ces livres doivent faire l’objet d’une censure pure et simple, doivent être retirés du marché. A chacun de faire attention à ce qu’il souhaite que son enfant lise ou non. Et surtout d’avoir l’esprit assez ouvert pour que même si le sujet abordé par un livre ne nous plaît pas, on puisse se rendre compte qu’il n’a rien de mauvais pour l’enfant et que l’on puisse donc lui laisser une certaine marge de manœuvre dans ses choix. Ou bien tout simplement de le lire avec lui, pour lui faire prendre du recul et développer réellement son esprit critique dès le plus jeune âge. En tout cas, rien ne justifie un lynchage médiatique comme ont pu le subir les autrices et l’illustratrice d’On a chopé la puberté.
Cette exposition est donc très bien faite et agrémentée de petits encarts pour nous signaler les dates importantes qui ont jalonnées et influencées les lois autour de la littérature de jeunesse. J’y ai personnellement découvert beaucoup d’ouvrages dont je ne savais pas qu’ils avaient été victimes de censure. On s’aperçoit également que la France n’est tout de même pas la plus vindicative et que beaucoup d’autres pays sont bien pires. Je connaissais bon nombre des ouvrages présentés pendant l’expo, mais j’y ai aussi découvert une petite pépite, que je me suis empressée d’acheter à la sortie : Une super histoire de cow-boy, de Delphine Perret, paru aux éditions Les fourmis rouges en 2018. L’autrice fait un beau pied de nez à tous les censeurs de la littérature de jeunesse en nous racontant une histoire de cow-boy délinquant, mais en l’illustrant avec des images douces pour montrer l’absurdité d’un certain degré de censure.
Au final, ces pauvres bambins :
Joyeuses découvertes littéraires les loulous !