Editeur : AuzouNombre de pages : 332Résumé : Milan, Renaissance : Cécilia Gallerani, maîtresse du duc de Milan, est menacée de mort par la femme de ce dernier qui réclame le portrait exécuté par Léonard de Vinci, La dame à l’hermine, pour le détruire. De nos jours : Léonard, un adolescent, reçoit un mail lui enjoignant de rechercher ce tableau. Or ce message provient de son grand-père, grand expert en art … enterré le jour-même. Léonard décide de partir à Cracovie, où est exposé le tableau.
Un grand merci aux éditions Auzou pour l’envoi de ce volume.
- Un petit extrait -
« – Je suis quelqu’un de très ordinaire. Un type moyen, tu vois ?– C’est vous qui le dites. A force de le dire, vous allez finir par le croire vraiment. Et à force de le croire, vous ne vous autoriserez jamais à être celui qu’au fond de vous vous rêvez d’être.– Je n’ai pas de rêves.– Chacun de nous en a. Toutefois, il arrive que, pour une raison ou une autre, on veuille les tenir à l’écart. Les vôtres frapperont à la porte de votre esprit jusqu’à ce que vous choisissiez de les écouter. »
- Mon avis sur le livre -
Je dois le reconnaitre, je n’ai jamais été particulièrement attirée par l’histoire de l’art, et j’ai énormément de mal à comprendre l’engouement collectif aveugle qui existe pour certaines peintures que je considère personnellement comme « quelconques ». C’est pourquoi quand on me parle de Léonard de Vinci, je le vois bien plus comme un inventeur de génie que comme le peintre de la si célèbre Joconde (qui ne me fait ni chaud ni froid). Et pourtant, malgré mon indifférence marquée pour tout ce qui se rapporte de près ou de loin à l’art, j’ai immédiatement été attirée par le résumé de ce roman : j’aime beaucoup la plume de Christine Féret-Fleury, aussi étais-je fort curieuse de découvrir le lien qu’elle avait imaginé entre Léonard, jeune adolescent de notre époque, et son fameux homonyme de la Renaissance …
Eté 1490 à Milan. Cécilia, amante du duc Ludovic Sforza, rencontre Leonardo da Vinci, réputé pour ses fêtes et ses spectacles, mais aussi pour ses tableaux et ses formidables inventions. Chargé par le duc de réaliser son portrait, le jeune inventeur découvre cependant que quelqu’un est prêt à tout pour l’empêcher de mener à bien cette commande … A notre époque, le jeune Léonard vient de perdre son grand-père, un des « oeils » les plus célèbres de sa génération, réputé dans le monde de l’art pour ses analyses. Mais voici que celui-ci lui envoie un mail – alors qu’il vient d’être enterré le matin même – pour lui intimer de rechercher la Dame à l’hermine, célèbre tableau du grand Léonard de Vinci. Et voici le jeune adolescent qui s’envole pour Cracovie, où est exposé l’œuvre, pour comprendre le sens de cet intriguant message … et découvrir un secret insoupçonné sur le peintre le plus énigmatique de la Renaissance.
Le procédé est désormais classique, mais il marche à tous les coups : l’autrice nous offre ici un récit à trois voix où le passé et le présent se mêlent et s’entremêlent. Tantôt nous suivons le jeune Léonard, tantôt nous marchons aux côtés de Cecilia et Leonardo da Vinci. Chapitre après chapitre, nous découvrons ces trois histoires parallèles : celle du jeune homme en deuil qui se jette à corps perdu dans l’ultime jeu de piste laissé par son grand-mère, celle de la jeune courtisane qui voit arriver la fin de son règne auprès du duc dont elle est encore éperdument amoureuse, et celle du jeune peintre et inventeur en quête de reconnaissance qui souhaite honorer son contrat envers et contre toutes les menaces. D’un côté, nous assistons à la genèse du tableau, tandis que de l’autre, nous tentons de découvrir le mystère qui entoure celui-ci. Bien sûr, comme l’autrice le précise à la fin de l’ouvrage, tout ceci n’est que pure fiction : si tout le monde s’accorde pour dire que Leonardo da Vinci a bien retouché quelques éléments de la Dame à l’hermine, nul ne sait véritablement pourquoi, et Christine Féret-Fleury n’a fait qu’imaginer un scénario possible … et c’est tout simplement captivant.
Car étonnamment, c’est la partie historique qui m’a le plus passionnée : Leonardo da Vinci est un personnage intriguant, à la personnalité insaisissable, qui ne vit que par et pour son œuvre (qu’elle soit artistique ou scientifique). On le sent plus intéressé par les relations sociales, bien qu’il aime organiser de somptueuses et spectaculaires fêtes. Obstiné et passionné, il est avant tout un amoureux de la beauté sous toutes ses formes, même et surtout celle que personne d’autre ne voit : la beauté du corps humain dans sa « mécanique », la façon dont les muscles et les os s’articulent pour donner naissance aux mouvements, et plus généralement la beauté de la vie, de la Création … Même si Leonardo n’a rien d’un homme pieux ! J’ai également beaucoup apprécié la personnalité de la jeune Cecilia Gallenari, dont je n’avais très honnêtement jamais entendu parler jusqu’à présent, et dont la destinée nous éclaire sur l’aristocratie de la Renaissance. Jeune fille amoureuse, jeune femme délaissée, jeune mère esseulée, la douce Cecilia aime les lettres et la musique. Elle sait que le duc ne l’aime bien, qu’il l’a remplacée par celle qui va devenir sa femme, et qu’elle n’est déjà plus qu’un souvenir, agréable mais fugace, à ses yeux. Elle sait qu’elle ne peut rien contre cela, mais elle va tout tenter pour sauver le portrait d’elle qu’il a commandé, et que la nouvelle épouse veut bruler … C’est très émouvant.
Quant au jeune Léonard de notre époque … Il n’est pas inintéressant, loin de là, mais j’ai vraiment le sentiment d’un trop-peu. Il se lance sans sourciller à la poursuite de ce tableau, se laisse aussitôt dépouiller de cette enquête par toutes les personnes qu’il croise – et qui, miracle, ont pile les connaissances, compétences et réseaux pour mener à bien cette enquête ! – sans se poser plus de questions. Il est tombé fou amoureux de la belle dame du tableau, mais ne se préoccupe finalement pas de savoir qui l’a lancé sur cette piste, ni pourquoi. J’ai trouvé ce pan de l’intrigue très mollasson, et le dénouement aussi abrupt que frustrant … même si c’était fort pratique pour expliquer qu’aucune réponse n’a été trouvé à cette énigme ! Certes, on distingue bien que tout ceci est finalement plus une quête initiatique pour notre jeune héros, qui doit désormais apprendre à vivre seul, sans les rêves de son grand-père pour guider son avenir, mais je trouve vraiment qu’il manquait un petit quelque chose pour que cette quête initiatique soit « cohérente ». « Je me connais un peu mieux qu’avant », nous dit Léonard : tant mieux pour lui,moi je n’ai pas vraiment vu de différence entre l’avant et l’après, et ça me laisse un peu perplexe et un peu attristée, car l’adolescent était attachant, ses compagnons aussi, mais finalement, tout ça pour ça, c’est-à-dire pas grand-chose … Cette facette de l’intrigue aurait vraiment méritée à être plus approfondie !
En bref, vous l’aurez bien compris, si ce roman ne fut pas un coup de cœur intersidérale, ce fut cependant une lecture vraiment sympathique : j’étais toujours ravie de me replonger dans ce petit roman, de retrouver nos trois protagonistes et de cheminer à leurs côtés le temps de quelques pages. J’ai appris énormément de choses sur la Renaissance, sur Léonard de Vinci, et même sur l’art … au point que je pense m’intéresser un peu plus à l’histoire de l’art, même si je ne deviendrais jamais une grande férue de peinture ! Je regrette seulement l’absence de véritable lien entre le passé et le présent, entre l’histoire de Cecilia et Leonardo et le récit de Léonard : je pensais vraiment que les deux intrigues étaient intimement liées, et elles ne sont finalement que juxtaposées, elles n’ont pas d’incidence l’une sur l’autre … Je regrette également une fin un peu trop abrupte, qui tombe comme un cheveux sur la soupe, et qui ne permet pas de ressentir avec force l’aspect « récit d’apprentissage » que l’autrice a cherché à mettre en place. Malgré tout, ça reste vraiment un ouvrage très agréable, qui se lit très aisément, et que je conseille à tous ceux et celles qui s’intéressent à l’art ou à l’histoire !