Jorn Riel est un écrivain danois, né en 1931 à Odense. Jorn Riel s'est engagé en 1950 dans une expédition scientifique pour le nord-est du Groenland, où il passera seize années, notamment sur une base d'étude de l'île d'Ella. De ce séjour, il tirera le versant arctique de son œuvre littéraire, dont la dizaine de volumes humoristiques des Racontars arctiques, ou la trilogie Le Chant pour celui qui désire vivre. Dans ces romans, dédiés à son ami Paul-Émile Victor, Jorn Riel s'attache à raconter la vie des populations du Groenland. Il vit actuellement en Malaisie à la lisière d'une forêt près de Kuala-Lumpur.
La Vierge froide et autres racontars date de 1974, traduit chez nous en 1993. Roman ou recueil de nouvelles, difficile de trancher d’autant que rien n’est précisé sur mon édition ; alors disons qu’il s’agit de dix textes, c'est-à-dire dix histoires différentes, liées entre elles par des personnages qui reviennent de temps à autre, le tout se déroulant dans une géographie commune.
Côte est du Groenland. Des cabanes de chasseurs de phoques et de renards sont disséminées le long de la côte où un navire passe de temps en temps collecter les peaux pour la Compagnie et apporter quelques vivres de base. Dans chaque cabane, deux hommes doivent cohabiter durant la longue période hivernale. Pour combattre leur solitude, ces rudes trappeurs picolent beaucoup, jouent aux cartes et se racontent des histoires, véridiques ou inventées…
Si la vie est dure (« l’hiver, l’obscurité bloque toute perspective aussi bien dans la tête des bonshommes que dehors »), l’auteur prend le parti de nous la raconter sur le mode de l’humour (« Ils prirent un repas auquel le Comte donna un nom étranger, ce qui ne l’améliorait pas particulièrement ») et ma foi, je n’ai pas lâché mon sourire du début à la fin de ce gentil bouquin. Je ne vais pas vous résumer ces historiettes dont certaines sont franchement désopilantes, disons pour vous mettre en appétit qu’il y a une histoire de tinettes qui crée la discorde, une autre où un mort passe la soirée avec ses amis qui ayant trop bu, le confondrons avec un vivant au moment de l’inhumation, mais la plus « humour noir » voit un cochon semer la zizanie au sein d’un couple d’hommes, ce qui nous vaut une chute ahurissante ! Quant à la nouvelle éponyme donnant son titre au livre, elle est pleine de poésie et de mélancolie amère, quand l’un des leurs invente une femme, Emma : confrontés à leur solitude ces hommes se refileront « virtuellement » une conquête qui aura satisfait leurs désirs intimes.
Un très joli petit bouquin, avec ces paradoxes, souriant alors qu’il décrit un monde de solitude et de dureté tout en décrivant un monde clôt, des cabanes, au milieu de vastes espaces glacés. Tout cela est brillamment troussé et cerise sur le gâteau, mon édition est particulièrement soignée : papier rose saumon et illustrations naïves de bon ton, collant parfaitement aux récits.