Premières lignes est un rendez-vous initié par Ma lecturothèque. Le principe est simple, tous les dimanches, je vais vous citez les premières lignes d’un ouvrage.
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Je regarde les gouttes tomber des pointes de mes cheveux. Elles perlent le long de ma serviette pour former une flaque sur le coussin du canapé. Mon coeur bat si fort que je le sens résonner dans mes oreilles.
– Ma chéri, écoute.
Maman prononce le nom d’Ingrid et je me mets à fredonner, non pas la mélodie d’une chanson mais juste une note tenue. Je sais que ça me donne l’air d’une folle, je sais que ça ne changera rien, mais ça vaut mieux que de pleurer, de hurler, ça vaut mieux que d’écouter ce qu’on me dit.
Quelque chose m’écrase la poitrine – une ancre, la pesanteur. Je vais bientôt m’effondrer. Je monte dans ma chambre en trébuchant, me jette sur le jean et le débardeur que je portais hier. Et puis je sors, dans la rue, vers l’arrêt de bus au carrefour. Papa m’appelle mais, sans répondre, je saute entre les portes à l’instant pile où elles se referment. Je trouve une place à l’arrière et c’est parti, d’abord Los Cerros, puis la ville suivante, jusqu’à ce que je me retrouve dans une rue inconnue, où je descends. Je m’assieds sur le banc de l’arrêt de bus, essaie de ralentir ma respiration. Ici, la lumière est différente, un peu bleutée. Une mère passe devant moi en souriant à son bébé dans la poussette. Une branche remue dans la brise. J’essaie de me sentir aussi légère que l’air.
Seulement mes mains s’agitent, elles ont besoin de remuer, alors j’attaque un bout du banc qui s’écaille, m’y casse un ongle de la main droite mais je réussis à récupérer un éclat que je cale dans ma paume gauche avant d’en arracher un autre.