Stephen Crane : L’Insigne rouge du courage

Stephen Crane, Henry James, Joseph ConradStephen Crane (1871-1900) est un écrivain, poète et journaliste américain. En 1892, il commence sa carrière à New York comme journaliste indépendant. Devenu reporter correspondant pour le New York Tribune, il est renvoyé du journal qui n'a pas apprécié son compte rendu d'une manifestation ouvrière. Il travaille à partir de 1895 comme correspondant pour plusieurs journaux et couvre différents conflits, notamment au Mexique. En 1896, alors qu'il se rend à Cuba, le bateau coule et, après 36 heures de naufrage, trois survivants parviennent à atteindre les côtes de la Floride. Crane s'inspirera de cette aventure pour un roman. En 1899, déjà malade, il s'installe avec sa compagne en Angleterre dans le Sussex où il fait la connaissance de Henry James et surtout de Joseph Conrad qu'il rencontre plusieurs fois. Stephen Crane meurt de la tuberculose en Allemagne. Il est enterré au cimetière d'Evergreen à Hillside, New Jersey.

L’Insigne rouge du courage (The Red Badge of Courage), roman de 1895, paru sous divers autres titres précédemment, vient d’être réédité dans une collection de poche.

Durant la Guerre de Sécession. Henry Fleming, un jeune gars de dix-sept ans, s’engage dans l’armée Nordiste avec des rêves de gloire et d’exploits (« …il sentait s’épanouir en lui la force de réaliser d’immenses exploits guerriers »). Bien vite son enthousiasme va flancher, assailli par les doutes et les questions. Dès le premier combat, il s’enfuit et s’en voudra de sa lâcheté mais la confusion générale va lui être favorable : blessé à la tête par l’un de ses camarades, cet insigne rouge du courage, lui assure une envergure qu’il s’ignorait ; dès lors, il devient un soldat exemplaire…

Ce qui frappe le lecteur en premier lieu, c’est l’anonymat, l’absence de références précises ou historiques permettant de situer le récit. Jamais les termes, guerre de Sécession, Nordistes, Sudistes, Confédérés etc. ne sont cités, seuls sont évoqués les uniformes bleus, de même on ne saura jamais de quelle bataille il s’agit. Les curieux en trouveront les réponses sur Internet, par des spécialistes du conflit se basant sur de rares indices pris dans le texte. Mais si Stephen Crane a choisi ce mode de narration, c’est tout simplement pour la bonne raison que cela n’a aucune importance à ses yeux : ce n’est pas un roman historique, ni même de guerre, mais au contraire un roman psychologique avec un jeune homme se confrontant à ses propres doutes, ses contradictions face au danger mortel et ses réactions quand il devra affronter la mort en face. Ce qui nous donne une fable à la portée générale.

Nous suivons donc Henry – toujours ou presque nommé « le jeune » dans le texte – dans ses soubresauts psychologiques, sa joie fanfaronne quand il s’engage, sa déception profonde quand il flanche face à l’ennemi, son désarroi devant le sentiment de bazar ambiant et d’ordres contradictoires ; les hauts et les bas se succèdent, puis viendra le temps de la rage, moteur de son héroïsme, et le bilan final « Il avait frôlé la mort toute puissante et découvert qu’après tout, ce n’était que la mort toute puissante. Il était un homme. »

Un très bon roman, d’une très belle écriture moderne (traduction ?) qui peut être lu par tous, même des âmes sensibles…