Cora dans la spirale de Vincent Message

Cora dans la spirale de Vincent MessageCora dans la spirale

Vincent Message

Seuil

Août 2019

457 pages

Un roman sur l’entreprise ? Un roman sur les méfaits du capitalisme ? Un roman sur le quotidien d’une femme active ? Une tragédie des temps modernes ? Un roman sur les relations humaines ? Ce roman est tout ça à la fois. C’est brillant. Le narrateur prend le temps de poser la situation, de tout raconter dans les moindres détails afin que l’on comprenne… Il prend le temps avant de révéler (à la toute fin du livre) ce qu’on redoute depuis le début, un drame, mais quel drame ? C’est la question que le lecteur se pose tout au long de sa lecture. Le narrateur balade le lecteur depuis le début pour l’amener là où il le désire. La fin est surprenante, romanesque, enchanteresse et terrible.

C’est foisonnant, d’idées, de réflexions dans lesquelles tout un chacun peut se retrouver. Quelle justesse dans les propos ! Une analyse fine du quotidien. Et mine de rien, une réflexion sur l’économie, la politique intérieure et extérieure, l’influence du capitalisme sur le monde des travailleurs, les jeux de pouvoir et la violence perverse qui en découle dans le monde de l’entreprise, les réfugiés, le sens de la vie,  la passion…

Une construction impeccable qui fait des va-et-vient entre différentes époques (de la jeunesse des personnages jusqu’au moment du drame), entre les différents témoignages recueillis par le narrateur et qui boucle le propos de manière implacable. Ca se tient, et ça se tient drôlement bien.

Vincent Message a l’art de mettre des mots, des images, sur des idées simples, sur des choses que tout être humain ressent à un moment de sa vie. Il fait de la banalité, de l’ordinaire, une aventure et il rend poétique ce qui pourrait n’être que la triste réalité.

 « Dans la fatigue des journées faites, nos propres pensées semblent compter plus, il faudrait en baisser le volume pour se rendre présent à l’autre, mais on ne sait plus du tout où on a foutu la télécommande, et il y a trop de boutons dessus. »

« La mort était une raison à ses yeux pour exiger beaucoup de la vie, pour sentir s’écouler chaque heure de chaque jour, pour ne pas se faire piéger par les contraintes, ne pas se rendre là où le désir n’appelait pas, mais aussi pour construire sa vie tendue vers des choses plus belles et durables que les êtres humains ne le sont. Cependant ces accommodements aussi étaient bancals, faisaient plonger, quand on voulait passer à l’acte, dans un enfer de contradictions. Est-ce qu’il fallait vivre au présent, en retirer tout le plaisir possible ? Ou faire de chaque heure du présent une pierre qui bâtissait l’avenir, qui préparait le bonheur d’un temps où on serait plus libre de ses choix, plus proche de ce qu’on aimait faire et plus utile aux autres, moins désespérément insignifiant. »

Lorsque Cora découvre une autre facette de l’amour, le narrateur écrit :

« Il n’y avait plus de dépit mais une autre vie qui s’ouvrait, qui n’annulait pas la première mais qui l’élargissait, une fenêtre à double battant qu’elle n’avait pas vue dans son dos et qui agrandissait la pièce en l’inondant de lumière. »

On ne pourrait pas dire mieux…

J’avais adoré Défaite des maîtres et possesseurs. Dans un tout autre registre Vincent Message, démontre, s’il en était encore besoin, qu’il est un grand auteur.

Il ne me reste plus qu’à lire Les veilleurs, son premier roman qui n’a pas bougé de son étagère depuis que je l’ai acheté…