Dans les forêts de Sibérie (Virgile Dureuil, d’après le récit de Sylvain Tesson – Editions Casterman)
On a tous envie par moments de se couper du monde pendant quelques mois, histoire d’échapper à la frénésie du monde moderne. En général, ce genre de résolution reste au stade de voeu pieux. Sylvain Tesson, par contre, l’a vraiment fait. Entre février et juillet 2010, l’écrivain aventurier a vécu seul dans une cabane au bord du lac Baïkal, en Sibérie, l’un des endroits les plus isolés au monde. La preuve, c’est que sa cabane, qui était en réalité un ancien abri de géologue enfoui dans une clairière de cèdres, se trouvait à une journée de marche de la plus proche habitation vers le sud et à cinq heures de marche de la plus proche habitation vers le nord. Difficile d’être plus seul au monde! Sylvain Tesson a raconté cette vie d’ermite dans un livre paru en 2011 et récompensé par le Prix Médicis du meilleur essai. La bande dessinée « Dans les forêts de Sibérie » vient ajouter l’image à ce récit étonnant, tout en conservant les mots de l’écrivain. Grâce aux dessins réalistes de Virgile Dureuil, qui parviennent à nous transporter au beau milieu de la nature sauvage de l’immense lac Baïkal, on découvre comment Sylvain Tesson a vécu pendant plusieurs mois au rythme lent et silencieux de la nature, avec pour seule compagnie des livres et une solide cargaison de bouteilles de vodka. On a vraiment l’impression de marcher dans ses pas quand il explore les environs de sa cabane, quand il pêche en creusant un trou dans le lac gelé, quand il chausse ses patins à glace ou quand il accueille deux chiens dans son habitation pour mieux repérer les ours qui rôdent dans les environs. On vit aussi ses moments de doute et de découragement, surtout quand il pense aux êtres aimés qui sont à des milliers de kilomètres, et avec lesquels il n’a aucun contact…
Ces dernières semaines, Sylvain Tesson a été au coeur de l’actualité, car il vient de recevoir le Prix Renaudot pour son livre « La panthère des neiges », alors qu’il ne faisait pourtant pas partie de la sélection officielle. Ce récit, dans lequel l’écrivain raconte comment il s’est rendu au Tibet en compagnie du photographe animalier Vincent Munier pour essayer d’apercevoir cet animal très rare, est à l’image de la philosophie de vie de Sylvain Tesson. Il se décrit lui-même comme un « wanderer », un voyageur sans attache, « capable de répondre à l’appel du dehors sans accorder un regard à ce qu’il abandonne ». C’est exactement ce qu’il a fait lorsqu’il a choisi d’aller vivre six mois comme un ermite au bord du lac Baïkal. Son livre « Dans les forêts de Sibérie » inspire manifestement les autres auteurs. Il avait déjà fait l’objet d’un documentaire télévisé, ainsi que d’une adaptation au cinéma en 2016, avec Raphaël Personnaz dans le rôle principal. Désormais, « Dans les forêts de Sibérie » existe donc également en BD, grâce à Virgile Dureuil, un auteur venu du monde de la publicité. Cet album ne s’adresse clairement pas à ceux qui aiment les histoires dans lesquelles il y a beaucoup d’action. Mais par contre, tous les amoureux de la nature vont adorer ce livre, qui se distingue grâce à ses dessins et ses couleurs remarquables. Une vraie réussite de la part d’un jeune auteur dont c’est le tout premier album de bande dessinée. « Dans les forêts de Sibérie » est une magnifique introspection au long cours, qui plaira à tous ceux qui cherchent à se reconnecter avec la nature, mais aussi avec eux-mêmes.