Sorcière, la puissance invaincue des femmes
de Mona Chollet
Dans cet essai, Mona Chollet (journaliste et cheffe d’édition au Monde Diplomatique) explique les conséquences que les chasses aux sorcières, entreprises à la fin du Moyen-Age et pendant la Renaissance, ont eu et ont encore sur les femmes dans notre société.
Il est triste de constater qu’aujourd’hui encore, on pense à ces crimes perpétrés envers les femmes avec une certaine légèreté. En effet, il existe une fascination pour la chasse aux sorcières mêlée d’une aura d’irréalité (liée au caractère soi-disant magique des victimes) et surtout de déni autour de cette frénésie qui a duré plus de deux siècles et qui, dans les faits, n’était rien d’autre qu’un génocide. Une fois ces femmes guérisseuses et savantes massacrées et réduites au silence par les pires abus, l’ère de la médecine masculine pouvait enfin commencer et, par la même occasion, piétiner le bon sens, le lien naturel qui lie l’être humain à son environnement et la possibilité d’une égalité entre les sexes.
Je me considère féministe. Je vis le sexisme et en souffre dans mon quotidien, je suis sensible aux inégalités et essaie de les combattre dès que possible. Et pourtant, en lisant ce livre, j’ai accédé à un autre niveau de compréhension du sexisme. J’ai vraiment saisi ses racines profondes, ses ramifications à travers l’Histoire et son terrible pouvoir de manipulation.
Je lis peu d’essais en général car j’ai un peu peur de me trouver bête devant de belles phrases intelligentes auxquelles je ne comprendrais rien malgré ma Licence à Paris I (sentiment qui découle de siècles de bâillonnement : l’esprit des femmes étant trop fragile pour le travail intellectuel, n’est-ce pas ?) mais j’ai lu celui-ci avec une facilité déroutante. Le sujet me touche de près, c’est vrai, mais je pense que l’écriture de Mona Chollet y est pour beaucoup : elle s’appuie sur des autrices et des auteurs (j’ai très envie de lire Martin Winckler maintenant !), des témoignages et des faits pour nourrir son propos ; sa réflexion questionne la place qui est faite à la femme dans tous les domaines : le médical, la politique, la vieillesse, la maternité… Mais c’est son point de vue fortement présent dans ces lignes qui donne à cette lecture un ton très personnel et naturel qui a su me toucher. J’avais beau savoir, pressentir le poids de l’Histoire, les inégalités profondes, la haine,… j’ai été véritablement soulagée de le voir écrit noir sur blanc. Je n’étais plus seule, parano ou trop émotive et j’ai compris la légitimité de ma colère, de mon dégoût, de mon incompréhension face à ce monde construit pour les hommes et qui ne me convient pas !
Cela dit, si j’ai été touchée en tant que femme, je suis persuadée que ce texte peu atteindre tout le monde et pas seulement les féministes déjà convaincu.e.s car cette lecture recèle les mêmes qualités que celles de Le racisme est un problème de blanc de Reni Edo-Lodge ou de Ici n’est plus ici de Tommy Orange : elle dénonce ce que la société patriarco-capitaliste-blanche tente d’étouffer, donne une voix à des milliers d’êtres humains trop longtemps muselés et est nécessaire pour faire évoluer les mentalités.
Marion
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