Les Balkans entre 1944 et 1988

Le gouvernement militaire allemand avait pensé que l'occupation des Balkans en 1941 était une tâche mineure et, depuis juin 1941, la guerre contre l'Union soviétique était primordiale. Les occupants et les régimes investis par les Allemands étaient impopulaires et trouvaient une forte opposition qui devint bientôt armée avec l'organisation d'une résistance et la formation d'unités de partisans. Au début, beaucoup de groupes rivalisaient mais, avec le temps, des unités plus grandes se formèrent, souvent avec des chefs communistes. Les attaques et les actes de répression se multiplièrent. Il y eut des Oradours en Grèce, en Albanie, en Serbie... La guerre en Grèce opposa même les Allemands aux Italiens.

La France et la Grande Bretagne qui avaient garanti les frontières de la Pologne et de l'Europe de l'Est entrèrent en guerre. Hitler avait donné l'est de la Pologne, les pays baltiques et la Bessarabie roumaine à l'Union Soviétique, Quand l'Allemagne attaqua la Russie en 1941, Staline chercha l'union avec la Grande Bretagne et les États-Unis sans pour autant renoncer à ses conquêtes. En 1943/44, les États-Unis luttaient surtout contre le Japon, l'Angleterre soutenait les partisans dans les Balkans et en Grèce et la Russie gagnait la guerre contre les Allemands. Quand les futurs vainqueurs se rencontrèrent à Yalta en février 1945, Staline présenta la facture pour les sacrifices énormes de l'Union soviétique : les conquêtes de 1939 plus une zone d'influence russe sur toute l'Europe de l'Est. Roosevelt se contenta de déclarer l'Europe libre : dans chacun des pays libérés, des gouvernements provisoires seraient constitués conformément au choix de chacun de ces États et des élections libres auraient lieu. Churchill avait compris que Roosevelt trahissait ses anciens alliés Européens. Il lutta pour laisser au moins la France Libre participer à l'administration de l'Allemagne vaincue mais dut accepter que le nouveau gouvernement de la Pologne soit un comité communiste et non le gouvernement en exil à Londres reconnu par l'Angleterre.

La fin de la guerre et les nouveaux états

En 1944/45, les armées soviétiques s'approchaient de Berlin et attaquaient le front allemand de la Pologne à la Roumanie où les troupes du dictateur Antonescu luttaient avec les Allemands contre l'Armée Rouge. Le 23 août 1944, le jeune roi Michael fit arrêter Antonescu et demanda un armistice. Les Allemands se retirèrent mais l'Armée Rouge occupa le pays et désarma l'armée roumaine. La Roumanie demanda l'aide des Anglais mais Churchill refusa. En novembre, un premier ministre communiste fut nommé. Les résultats de l'élection de novembre 46 ne furent pas publiés et, en décembre 1947, le roi Michael fut forcé d'abdiquer. Gheorghe Gheorghiu-Dej fut le secrétaire général du parti communiste de 1945 jusqu'à sa mort en 1965. Après la Roumanie, l'Armée Rouge occupa la Bulgarie en septembre 44 et installa un gouvernement communiste avec Georgi Dimitrov. La Bulgarie devint une démocratie populaire en 1946. Dimitrov mourut en 1949, son successeur fut Valko Tchervenkov jusqu'à 1956 puis Todor Jivkov jusqu'en 1989.
La Hongrie avait demandé un armistice en 1944 et Budapest fut libérée par l'Armée Rouge seulement en février 45. La deuxième république était instaurée. Les communistes, dirigés par Mátyas Rákosi et Ernö Gerö, décidèrent de la politique mais, lors de l'élection de décembre 45, ils n'eurent que 17% des voix. Au traité de Paris de 1947, la Hongrie dut abandonner la Transsylvanie à la Roumanie et la Ruthénie subcarpatique à l'Ukraine. Le communiste Rajk, ministre de l'intérieur, poursuivit les chefs des autres partis. La République populaire de Hongrie fut instaurée en août 1949 et les nouvelles élections se firent avec une liste unique.
La République tchécoslovaque libérée par l'Armée Rouge, avait retrouvé son ancien président Edvard Beneš qui ordonna par décret l'expulsion de 2,5 millions d'Allemands. Le gouvernement était assez bourgeois avec Beneš et Jan Masaryk comme ministre de l'extérieur. Jan Masaryk fut tué le 10 mars 1948 et Beneš mourut en septembre 1949. Klement Gottwald, chef du parti communiste, prit tous les pouvoirs et installa une République populaire, la ĈSSR.
La question polonaise fut plus difficile. L'Armée Rouge libéra le pays et installa un gouvernement majoritairement communiste. La Pologne devant héberger 5 millions de réfugiés expulsés par l'Union soviétique, elle reçut deux provinces allemandes, dont les populations (environ dix millions) furent expulsées en Allemagne. La nouvelle Pologne était ainsi plus petite que l'ancienne et repoussée vers l'ouest. La première constitution de la république populaire de Pologne fut adoptée et, en février 1947, Bolesław Bierut devint Président de la République et Józef Cyrankiewicz Président du Conseil.
La Yougoslavie ne fut pas libérée par l'Armée Rouge, mais par l'armée partisane, commandée par Josip Broz Tito, Croate de mère slovène. Communiste et partisan d'une nouvelle Yougoslavie fédérale, Tito avait vaincu les Allemands et les nationalistes croates et serbes. La nouvelle Yougoslavie était constituée de six républiques fédérales autonomes : Slovénie, Croatie, Bosnie, Serbie, Monténégro et Macédoine. Tito en était le Premier Ministre et, à partir de 1953, le Président.
L'Albanie fut libérée par son armée partisane commandée par le communiste Enver Hoxha.
La Grèce avait un parti communiste fort mais, après Yalta, elle était zone d'influence anglaise. Pendant la guerre civile sanglante de 1944 à 1949, Staline ne soutint pas les communistes et la monarchie grecque fut rétablie.

Répression et résistance dans les pays sous domination russe

Staline craignait les communistes qui n'avaient pas été rigoureusement formés à Moscou. L'élite bourgeoise dans les Républiques populaires fut expropriée et anéantie. Certains chefs communistes furent inculpés dans des procès-spectacles, accusés de trotskisme, nationalisme ou titoisme car Tito s'était éloigné du bloc soviétique en 1948.Les exécutions succédèrent aux arrestations. Staline mourut en 1953 et son successeur, Khrouchtchev, critiqua Staline en 1956. La répression russe fut moins forte et, dans les républiques satellites, on espérait plus d'indépendance. En Hongrie, Imre Nagy, vieux communiste et organisateur de la réforme agraire de 1945, en résidence surveillée, devint premier ministre en 1953 et entreprit des réformes mais Rákosi, chef du parti communiste, le freinait et, en 1955, Nagy fut destitué et exclu du parti. En octobre 1956, des démonstrations d'étudiants demandèrent son retour. Imre Nagy recommença les réformes et négocia un nouveau statut pour la Hongrie. L'Union soviétique intervint alors avec l'Armée Rouge, Imre Nagy fut arrêté et exécuté. Le nouveau chef János Kádár organisa la domination soviétique. 200 000 Hongrois s'enfuirent.
En même temps, en Pologne, l'Union soviétique accepta Wladyslaw Gomulka, lui aussi communiste de 1945 puis en résidence surveillée, comme nouveau chef communiste ainsi que différentes réformes. Son successeur Gierek fut remplacé en 1979 par le gouvernement militaire de Jaruzelski mais les problèmes avec Solidarnosc subsistèrent. En Tchécoslovaquie, Alexandre Dubcek remplaça Novotny en 1968 et entreprit des réformes mais l'Armée Rouge et des troupes du Pacte de Varsovie occupèrent le pays et restaurèrent l'ordre communiste avec Husak. En Roumanie, Ceauşescu, chef du parti communiste depuis 1965, cherchait une position plus indépendante de l'URSS.

Le rideau de fer et le conflit Est-Ouest

L'Armée Rouge avait de forts effectifs dotés du meilleur équipement en Allemagne de l'Est et dans les États satellites. L'OTAN (Organisation du Traité de l'Atlantique Nord) avait rassemblé ses forces surtout en Allemagne de l'Ouest. Le danger d'une confrontation militaire même accidentelle et d'une troisième guerre mondiale était grand. Dans les années 80, l'Union soviétique de Brezhnev modernisait ses missiles intercontinentaux avec des têtes nucléaires et les Américains, sous la présidence de Reagan, installèrent leurs missiles en Allemagne de l'Ouest. Encore une fois, l'Europe centrale était le théâtre prévu pour une confrontation militaire mortelle. Brezhnev mourut en 1982. L'Union soviétique s'était ruinée en Afghanistan et avec ses missiles. Le nouveau secrétaire général Gorbatchev changea la politique complètement. C'était la fin de la confrontation Est-Ouest et la libération de l'Europe de l'Est mais, aujourd'hui, le cauchemar de la course aux armements toujours plus dangereux et plus mortels recommence.

Hansjörg Frommer

Amis de la Bibliothèque Rousset-les-Vignes, Octobre 2019