Cet album est la transposition graphique du magnifique roman de Pierre Lemaitre, Au revoir là-haut , que je vous ai présenté ICI.
J'avais entendu beaucoup de bien de cet album, de nombreuses fois présenté lors du RDV BD de la semaine, aussi ai-je eu envie de le découvrir, surtout après la lecture du roman qui m'avait tant plu et happée.
Les planches reprennent bien l'histoire d'Albert Maillard, d'Edouard Péricourt, et du Lieutenant Henri d'Aulnay-Pradelle.
Les deux premiers sont deux survivants, deux "héros" bien malgré eux de la boucherie de la Grande Guerre, de ceux qui auraient dû y rester, traîne-misère pour l'un, gueule cassée pour l'autre, et désormais les laissés-pour-compte de la Paix, qui les lient dans une amitié aussi coupable que forte.
Le dernier, supérieur de Maillard et Péricourt, aurait aimé tirer encore davantage de gloire de ce conflit.
D'Aulnay-Pradelle, prêt à tout sur le champ de bataille pour avoir ses galons de Capitaine, n'a pas hésité à sacrifier quelques vies pour et il ne compte pas en rester là une fois l'Armistice signé et la Paix revenue.
La Guerre, et plus encore les soldats morts, peuvent encore lui servir et son mariage avec la fille du Banquier Péricourt, Madeleine, et sœur d'Edouard, est un bon tremplin pour servir son ascension sociale et redorer son nom de famille.
Ainsi, tous trois vont se servir de cette Paix tant désirée, tant à soigner, tant à parfaire.
Edouard, aidé de la petite Louise, 11 ans, muette (par choix) et fille de leur logeuse, se confectionne des masques et trouve l'IDEE pour lui faire un pied-de-nez à cette Paix qui ne les laisse pas en paix justement. Elle qui les malmène et les oublie. Ils vont s'en servir, non sans quelques remords pour Albert. C'est que l'on ne "s'attaque" pas si facilement aux glorieux martyrs et encore moins à leur mémoire.
Paradoxalement, il se découvre du courage et même plus encore.
D'Aulnay-Pradelle, lui, n'en a aucun de remords, et se sert du Souvenir qu'il essore autant qu'il peut pour lui rapporter toujours plus d'argent. Quelle manne que ces nécropoles militaires qui émergent, développant tout un tas de nouveaux marchés qu'il remporte sans peine.
Au revoir là-haut, c'est donc l'histoire de l'immédiat après-guerre, de comment la Paix " soigne " ses héros. C'est une histoire d'amitié, de vengeance, de faux-semblants, de conscience(s) et de nouveaux départs.
Alors bien sûr, l'album passe plus vite, apporte moins de détails (toujours lire le roman avant!), et nombreuses sont les planches sans texte, avec parfois, juste une interjection ou une onomatopée.
Mais l'essentiel, et toute l'horreur, de leurs projets, sont là et parfaitement saisis, retranscrits, comme les caractères des personnages, et jusque dans les secondaires (la petite Louise, la mère de Maillard figurée en petit et dont on lit ce qu'elle pense de son fils - j'ai adoré le procédé ; Madeleine qui gagne en consistance tout du long ; ou encore Joseph Merlin, l'antipathique mais consciencieux inspecteur des cimetières).
Seule la fin diffère quelque peu sans que cela ne soit dérangeant.
Le dessin et ses couleurs restituent cette atmosphère triste, froide, sale, glauque parfois, ou bien espérante. Car il y a des moments d'espoirs et de joies.
Une fois la dernière page tournée, tous ces sentiments se mélangent (contrairement au roman où il me restait certes, un sentiment de gâchis mais aussi de justice).
Un album qui prolonge très bien le roman et dont la préface, signée Philippe Torreton, est superbe.
Il me faut à présent découvrir le film.